CHAMEAU
Par: (pas credité)
E.LATTANZIO : Dans la steppe aride de l'information quotidienne,
il est bon parfois d'apercevoir une nouvelle dont l'ardeur
imprévue réveille en vous le goût de l'aventure et de la vraie
vie. Ainsi viens-je d'apprendre que se déroule actuellement à
Laayoune (localité marocaine) la plus grande course de dromadaires
du monde, organisée dans le cadre de la semaine sociale et
culturelle de Laayoune.
Y.AMAR : Nous nous sommes donc plongés dans l'histoire palpitante
du mot "dromadaire" et celle de son rival, le "chameau". Le b-a ba
consiste déjà à être clair sur le nombre de bosses : une, c'est un
dromadaire, deux, c'est un chameau. Si vous vous trompez, les
puristes vous reprendront : "Une bosse, voyons, ce n'est pas un
chameau, c'est un dromadaire !" Ne vous laissez pas impressionner,
vous n'avez pas vraiment tort : chameau est plutôt considéré comme
un mot générique, qui désigne l'espèce en général, et le
dromadaire est un genre de chameau.
E.LATTANZIO : D'ailleurs, au départ, dromadaire est un adjectif
qui vient préciser le mot chameau. Le chameau dromadaire est un
chameau de course puisque dromadaire renvoie à "-drome", la course
(Cf. hippodrome, vélodrome ...).
Y.AMAR : On a plus rapide encore avec le "méhari", en Afrique du
Nord, qui a donné naissance à "méhariste" (militaire montant un
méhari), mot sorti d'usage qui rappelle l'imagerie coloniale.
E.LATTANZIO : Chameau est plus intéressant. La forme de l'animal a
semblé si étrange en France (où on ne connait pas l'animal) qu'il
est devenu très vite un terme injurieux, peu après la conquête de
l'Algérie. D'abord, il est devenu un synonyme populaire de
prostituée (par référence à la monture, "la femme qu'on monte" dit
Alain Rey, mais c'est peu convaincant). Puis la référence sexuelle
s'est affaiblie, et chameau a désigné une femme hargneuse,
méchante.
Y.AMAR : Ce sens a presque disparu aujourd'hui, mais il est encore
compris, comme un argot désuet, et n'ayant plus spécialement de
connotation féminine. Le chameau a désigné un homme rusé et cupide,
puis un parfait goujat, un malappris, notamment avec les femmes.
E.LATTANZIO : En même temps, le mot, dans des jargons spécialisés,
a désigné des choses très diverses, mais toujours avec le trait
commun de la grosseur et de la puissance : grosse artillerie au
16ème siècle (c'est le premier sens figuré connu), grosse
locomotive pour train de marchandises, combinaison de caissons à
air servant à relever des bateaux coulés.
Y.AMAR : Le mot aujourd'hui n'est plus guère productif, si ce
n'est qu'il évoque une couleur : manteau en "poils de chameau"
(là, c'est aussi la matière) ou pull-over "camel". Le mot anglais
a pris le relais, d'autant mieux compris en France qu'il a été
popularisé par une marque de cigarettes (dont l'effigie est
précisément un dromadaire).