JEUX DE CARTES
Par: (pas credité)
Un musée de la carte à jouer va être inauguré. A priori, rien que
d'assez banal, mais quand on sait que le Président de la
République lui-même a prévu d'en être, ça vous pose l'événement.
Et le jeu de cartes est, en effet, une pratique notable jusque dans
notre langue, où il a laissé nombre d'expressions, ou de sens
figurés.
Commençons par le début : les cartes, ça se distribue : c'est la
"donne" de départ (on donne les cartes). Le mot est souvent
synonyme d'état des choses, voire de rapports de forces : "la donne
politique actuelle". Le mot est aussi utilisé lorsqu'un événement
vient changer un équilibre : on a une "nouvelle donne". Il ne
s'agit pas d'un anglicisme, mais l'expression "New Deal" est bien
connue en français, employée parfois telle quelle. On se souvient
de l'origine de l'expression : la politique de Roosevelt, en
particulier, toutes les lois anti-trust, après la crise de 29.
Lorsqu'aux cartes, on se trompe dans la distribution des cartes,
on la recommence, en disant qu'il y a "maldonne" (= mauvaise
donne). L'expression "il y a maldonne" est utilisée par image,
pour couper court à un malentendu, remettre les choses à leur
juste place.
Autre geste important et préliminaire du jeu de cartes : la
"coupe" : il s'agit d'inverser deux parties du paquet, après que
les cartes ont été battues. Et de là, bizarrememt, l'expression
"être sous la coupe de..." qui signifie "être sous la
dépendance", ou simplement "l'influence de quelqu'un".
Cela vient d'une vieille superstition de joueur, qui voulait que
certains eussent la coupe malheureuse, c'est-à-dire néfaste à
leurs adversaires. Il ne faisait donc pas bon jouer "derrière leur
coupe", ou "sous leur coupe".
Une fois qu'on joue, on tient ses cartes dans sa main, en prenant
garde que les autres ne les voient pas, et on les jette une à une
sur le tapis. De là, un certain nombre d'expressions métaphoriques :
"cacher son jeu" - ne pas dévoiler ses intentions, ses projets
réels, être dissimulateur, voire hypocrite. La locution est
franchement négative, ce qui est bizarre, vu que l'attitude de
départ sur laquelle elle est formée est tout à fait légitime. A
l'inverse, "jouer cartes sur tables", c'est faire part, dès le
départ de ses intentions, avoir un comportement clair et
transparent. Là aussi, c'est bizarre, puisqu'aux cartes, on ne
joue cartes sur table, que si la partie n'a pas réellement d'enjeu
- si on étudie un problème de bridge, par exemple, ou si on
explique les règles à un débutant... ou alors, c'est le mort, au
bridge toujours, qui a son jeu étalé sur le tapis. Mais, lui,
justement, est hors-jeu : c'est son partenaire qui joue pour lui.
Quant à "jouer sa carte", c'est choisir le moment opportun pour se
mettre en avant, saisir sa chance. Mais, une expression voisine
sous-entend qu'on choisit son camp, lorsqu'"on joue la carte
telle ou telle" ; c'est un peu l'équivalent de miser sur quelqu'un.