CONQUETE
Par: (pas credité)
Dom Juan, le nième Don Juan, le dernier Dom Juan, jusqu'au prochain, sort sur les écrans français. Dom Juan collectionnait les femmes, et nous collectionnons les Dom Juan. En comptons-nous autant qu'il comptait de conquêtes ? Parlons plutôt d'elles, cela nous changera du gommeux. En effet, les femmes sont les conquêtes de ce conquérant, une fois qu'elles sont conquises. On le voit, le vocabulaire amoureux utilise toute la gamme de cette image militaire qu'est la conquête.
Apparue au XIVème siècle, conquérir est une forme relativement tardive refaite sous l'influence du verbe quérir, du verbe conquerre, qui a toujours eu, en ancien français, un sens belliqueux : "acquérir, mais par la force", par les âmes, et par conséquent, dominer, s'approprier. Un mot sur sa conjugaison difficile ne sera pas de trop : je conquiers, je conquerrai, j'ai conquis, encore eût-il fallu que vous me conquissiez, etc. Le verbe a un temps été en concurrence avec conquêter, encore parfois utilisé à titre de coquetterie littéraire, mais ça n'est pas des plus fréquents.
Quant au conquérant, c'est au sens propre le chef de guerre entreprenant et victorieux : Guillaume, Alexandre, César, Napoléon…
Les aventuriers espagnols partis à la découverte du Nouveau Monde nous ont légué un hispanisme resté bien vivant dans le français d'aujourd'hui, même s'il est essentiellement référé à cette période historique : Pizarro, Cortes, Almagro sont des conquistadors. Voici la limite de l'hispanisme : conquistadores est la forme plurielle du mot, or si le français écrit préfère bien sûr la forme à l'espagnole, il la prononce comme le singulier. Notons pourtant qu'il s'agit d'un legs largement posthume de la part de la civilisation espagnole, puisque cette conquista date du XVIème siècle et que le terme en français n'apparaît qu'au milieu du XIXème, sous la plume de George Sand, comme surnom de Jacques 1er de surcroît.
Autre mot espagnol : la reconquista, réappropriation de l'Espagne arabe par des souverains chrétiens, a donné le terme de reconquête en français.
Souvent utilisé métaphoriquement, en particulier dans le domaine de la politique, il renvoie au désir, après une défaite, en général électorale, de réinvestir le terrain perdu, dont on se considère comme l'occupant légitime.