VACCINATION

Par: (pas credité)


PARLER AU QUOTIDIEN DU 24 AVRIL 2001

Faut-il vacciner les vaches ? La franchise s’impose : je n’ai pas d’avis autorisé sur le sujet, mais je suis ravi de l’aborder sous l’angle linguistique. La vaccination des vaches n’est pas un pléonasme, mais peut plutôt être considéré comme une sorte de boomerang philologique du plus bel effet.

Vaccin dérive de vaccine, et vaccine de vaccinus. Quant à vaccinus, c’est un adjectif latin qui signifie simplement « de vache ». Le latin médical du XVIIIème siècle a formé l’expression vaccina variola (variole de vache) qu’on a appelée vaccine en français, et qui est une maladie qui touche les bovins (enfin, on a aussi parlé de la vaccine du cheval). On sait que ce virus, atténué, inoculé aux humains, permet de les prémunir contre la variole. Et voilà donc le principe du vaccin qui se trouve donc être littéralement une géniale vacherie, dont le retour à l’envoyeur enchante d’un même mouvement la vie des mots et l’ami des veaux.

Le verbe vacciner s’emploie donc couramment au sens propre, et a fini par avoir de fréquents emplois figurés. « Je suis vacciné » signifie « on ne m’y reprendra plus », « on ne me la fait plus » (J’ai accepté de le ramener en voiture mais il a fallu l’inviter à déjeuner, puis entendre tous les malheurs de sa vie, et il ne s’en allait plus, et j’ai dû le raccompagner car il n’y avait plus de métro, et il avait oublié sa clé… La prochaine fois il se débrouille ; je suis vacciné.

On notera aussi l’expression amusante et qui vieillit «il est majeur et vacciné », pour dire « il est grand, adulte, responsable. Il n’a pas besoin qu’on le prenne en charge ni qu’on se soucie trop de lui. »

Des synonymes ? Vacciner n’est pas exactement synonyme d’immuniser : la vaccination renvoie à une technique médicale particulière, alors que l’on peut être immunisé (c’est-à-dire prémuni, protégé contre une maladie) pour toute sorte de raison. A noter que ce dernier mot a d’abord eu le sens abstrait d’exempté : l’immunité est l’exemption d’impôt dont quelqu’un peut bénéficier. Puis cette idée glisse vers une autre : l’immunité est le droit d’asile, le fait qu’on ne puisse pas être attaqué, emprisonné, touché. C’est encore le sens qui prévaut lorsque l’on parle d’immunité diplomatique. Et c’est de là qu’est né le sens médical.

On peut toujours terminer sur quelques considérations sur Mithridate, et le verbe mithridatiser, beau et nonobstant peu fréquent.