INDIGENE

Par: Yvan Amar

Appel des indigènes, manifestation des « indigènes de la République »… C’est, autour de ce mot, que s’articulent les revendications de ceux qui pensent et proclament haut et fort que l’esprit colonial n’est pas tout à fait mort en France. Et que les citoyens « issus de l’émigration » comme on dit, ont à lutter contre une discrimination héritée de l’époque coloniale… de l’époque où l’on parlait des indigènes…

« Indigène » est un vieux mot français, hérité du latin malgré sa racine grecque. Littéralement, il signifie qui est né là… Indu, variante de Inde… préfixe latin qui signifie là, de là… et genos, qui renvoie à l’idée de naissance, d’origine, radical à quoi fait penser, par exemple, le verbe français générer. Donc, au sens propre, l’ « indigène », c’est celui qui est né là… qui est né dans la région où il habite, qui habite dans la région où il est né…

Le mot est utilisé assez tôt en français : on le trouve, par exemple, chez Rabelais, au XVIème siècle, dans un sens plutôt dérivé : est indigène celui qui habite là depuis longtemps… mais on verra que ce sens s’est gardé dans des contextes plus récents.
En tout cas, le mot commence par être un adjectif. Et l’on parle au XVIIème siècle des plantes indigènes… celles qui n’ont pas été transplantées… le contraire des plantes exotiques…
Vient le XVIIIème, commence la colonisation… et arrive alors un tout autre emploi pour le mot indigène… Il devient vraiment un mot de « colons », qui vont appeler « indigènes » les populations des pays qu’ils occupent et soumettent.

Et donc, il y a toute une idéologie colonialiste qui va entacher le terme… Colonialiste et même pire… Le mot va devenir tout à fait péjoratif… Au départ, d’ailleurs, pas même insultant… mais simplement empreint de la supériorité que le colon croit posséder sur celui qu’il colonise… Ce qui fait que le mot d’indigène finira par désigner, de façon générale, le non-blanc… avec parfois tous les arrière-fond qu’on peut imaginer…, à partir de cette idée du « sauvage » qui naît au XVIIIème siècle. Le mot, alors, abandonne son sens étymologique… Il ne s’agit pas uniquement de ceux qui sont nés sur le sol où ils vivent : les colons d’Afrique du Nord, même installés sur place depuis plusieurs générations ne seront pas des indigènes… Les créoles des Antilles non plus…

On a bien quelques synonymes : autochtones, qui reste adjectif, relativement technique, mais qui ne sera jamais très employé… A tel point que c’en est devenu un adjectif un peu rare et à l’écho un peu ridicule.

Quant à « aborigène », même s’il a techniquement le même sens qu’ « indigène », son usage est différent. Et il n’est pratiquement employé que pour des populations océaniennes, d’Australie, ou de Nouvelle-Zélande par exemple, qui -en général- vivent à l’écart de la civilisation occidentalisée qui s’est emparée du pays.