DESCENDRE
Par: Yvan Amar et Evelyne Lattanzio
E.LATTANZIO : Tous les matins, pour me rendre à mon bureau, j'arrive à la station du métro Porte d'Orléans et j'entends un employé annoncer "Terminus, tout le monde descend!". Y.AMAR : C'est logique, vous habitez Paris. Mais si vous habitiez Dakar, ce n'est pas le matin qu'on vous dirait que vous descendez. C'est à midi, ou en fin de journée qu'on descend. Car au Sénégal, "descendre" est utilisé au sens de s'arrêter de travailler, pour la pause du déjeuner ou parce qu'on a terminé sa journée : on decsend à cinq heures ou à six heures. E.LATTANZIO : Et si l'on peut descendre, c'est que l'on est monté, le matin, en commençant son travail. Y.AMAR : En français, on n'emploie pas ces deux mots, monter et descendre, dans ce sens spécifique. E.LATTANZIO : Encore qu'il en existe des équivalents, dans certains parlers régionaux. Dans le centre de la France, en particulier, on "embauche" pour dire qu'on commence son travail ... Y.AMAR : ... et non pour dire qu'on engage quelqu'un ... E.LATTANZIO : ... et on débauche, quand on a fini. Et dans le nord de la France, on dit souvent qu'on quitte à cinq heures, c'est-à-dire qu'on a terminé son travail à cinq heures. Y.AMAR : "Descendre", on l'a vu est un verbe qui s'ennorgueillit de quelques sens dérivés : descendre une bouteille, descendre de l'échelle (là, c'est un sens littéral), descendre de Louis XV ... Et, en France, le verbe a un sens géographique spécial, par rapport à Paris. E.LATTANZIO : Sur une carte de géographie, le Nord est en haut, le Sud est en bas. Donc, de Paris, on descend à Marseille, c'est logique. Y.AMAR : En général, on descend dans le Midi, c'est courant. Mais on ne descend jamais dans le Nord. On ne descend pas de Paris à Amiens, et on respecte la logique cartographique. Mais le mouvement inverse existe aussi : de Marseille on monte à Paris. Ce qui est bizarre, c'est l'usage qui prévaut lorsqu'on est au nord de Paris. Si vous êtes à Calais Evelyne ... E.LATTANZIO : ... je dirai malgré tout que "je monte à Paris pour faire des études, une carrière". Y.AMAR : Attention, si on habitait au Burkina-Faso, on pourrait "descendre à la capitale", on dit "je descends à Ouagadougou". E.LATTANZIO : De même, si nous habitiions au Zaïre ... Y.AMAR : ... et que nous fussions étudiants ... E.LATTANZIO : ... nous dirions que "nous descendons à Kinshasa" ou en abrégé à "Kin". L'université est en effet située sur une colline. Et dans l'argot étudiant, on descend à la capitale. Y.AMAR : Et ça sous-entend, en même temps qu'on va faire la fête. C'était Parler au Quotidien, une émission proposée par le Centre National de Documentation Pédagogique ... E.LLATTANZIO : ... et par RADIO FRANCE INTERNATIONALE.