LES METAPHORES HIPPIQUES

Par: Yvan Amar et Evelyne Lattanzio

Y. AMAR : Imaginez un instant un contexte d'élection
présidentielle. Imaginez également trois candidats mieux placés
que les autres. On est à peu près sûr que ces trois-là arriveront
en tête au premier tour. Eh bien, on va parler du "tiercé" de
cette élection, en empruntant ce mot au vocabulaire des courses de
chevaux.

E. LATTANZIO : On parlera même du "tiercé dans l'ordre" ou "dans
le désordre". Le mot est utilisé de façon figurée. Dans le domaine
hippique, on parle de tiercé quand on se hasarde à pronostiquer
les trois premiers arrivants d'une course. Et c'est le PMU, le
Pari Mutuel Urbain qui a popularisé l'expression.

Y. AMAR : Reprenons notre premier exemple. Nous avons donc trois
favoris. Si un candidat imprévu arrive dans les trois premiers, on
parlera "d'outsider", en gardant une prononciaton à l'anglaise...

E. LATTANZIO : ... Et en filant la métaphore hippique.
Retournons-nous vers l'étymologie anglaise : l'outsider arrive
d'ailleurs ...

Y. AMAR : ... Il arrive de l'extérieur, on ne l'attendait pas. Les
courses de chevaux sont devenues un divertissement élégant il y a
bien longtemps, et au départ, en Angleterre. C'est donc de
l'anglais que nous sont arrivés nombre de termes qu'on a employés
petit à petit dans la langue courante. Les chevaux par exemple
sont montés par des jockeys, un mot qui évoque une certaine
distinction et qui a gravi l'échelle sociale au cours des siècles.
Au départ, ça vient de Jack, en anglais, l'homme du peuple. Puis
le mot va désigner tour à tour le palefrenier, le maquignon, et
celui qui monte à cheval. Déjà, dans la langue anglaise, le mot
est réhabilité puisque le Jockey-club naît à Londres en 1750, et
qu'on aura le nôtre en France en 1833.

E. LATTANZIO : On prononce aujourd'hui jockey à la française. Mais
le problème se pose pour le "turf" : "teurf" ou "turf" ? On entend
les deux prononciations.

Y. AMAR : Le turf, en anglais, c'est d'abord la pelouse, puis le
champ de course. Le mot est passé dans notre langue, et les
turfistes sont aujourd'hui les parieurs.

E. LATTANZIO : Le plus étrange est que le sens du mot s'est
étendu. Le turf en argot, c'est le travail. Le terme a commencé
par renvoyer au monde de la prostitution, puis il s'est élargi au
monde du travail en général. Et en argot, bien sûr, on prononce à
la française "turf", peut-être par analogie avec le turbin.

Y. AMAR : C'était "Parler au Quotidien", une émission proposée par
le Centre National de Documentation Pédagogique...

E. LATTANZIO : ... Et par Radio France Internationale.