COULISSE
Par: Yvan Amar et Evelyne Lattanzio
Y. AMAR : Est-ce que vous vous souvenez, Evelyne, des Coulisses de l'exploit ? Belle émission de télévision ... E. LATTANZIO : Oh, ça remonte très, très loin ... Y. AMAR : Vous exagérez. Je me souviens du dernier numéro des Coulisses de l'exploit que j'avais vu, je crois qu'il s'agissait de quelqu'un qui voulait remonter aux sources du Nil à cloche-pied. Ce n'était pas à cause des crocodiles, non, non, il voulait simplement le faire parce qu'il trouvait que c'était "les coulisses de l'exploit". Pourquoi ? Parce qu'on voulait filmer toute sa préparation, tout ce qu'il y avait derrière le côté spectaculaire, au-delà du spectaculaire. Voilà le sens de ce beau titre : les Coulisses de l'exploit. E. LATTANZIO : Comme je vous connais, je dirais presque au-delà du réel parce que je pense que c'est un canular. Y. AMAR : Non, non, ce n'est pas vrai que c'est un canular, c'est vrai qu'il a été aux sources du Nil à cloche-pied. E. LATTANZIO : Les coulisses en tout cas appartiennent au vocabulaire théâtral, ça, vous le reconnaîtrez volontiers. Mais le mot a bien changé de sens depuis le départ, parce qu'effectivement, il désignait la partie du décor mobile qu'on pouvait reculer, avancer, ou tout simplement retirer selon les besoins des scènes ou des actes. En fait, il s'agissait tout simplement de panneaux coulissants, du verbe coulisser. C'est comme ça qu'est né le mot "coulisse". Y. AMAR : Donc, ça évoque la machinerie, le mécanisme du théâtre et par conséquent le mécanisme de l'illusion. Et le sens du mot s'est rapidement étendu. Les coulisses, c'est non seulement le décor, mais tout ce qui va permettre l'illusion, l'illusion théâtrale et donc tout ce qui est derrière la scène du théâtre : en fait tout ce qui n'est ni la scène, ni la salle, c'est-à-dire ce qui échappe à l'oeil du spectateur. E. LATTANZIO : Alors ce sont aussi bien les machinistes, les éclairagistes que les acteurs eux-mêmes lorsqu'ils ne sont pas sur scène. Et aujourd'hui, le sens s'est encore étendu, me semble-t-il, si bien qu'à l'issue du spectacle si vous voulez aller féliciter un acteur, vous irez, bien sûr, le voir dans sa loge, mais on dira d'une manière plus générale qu'on va le féliciter dans les coulisses. Y. AMAR : J'ai été en coulisse pour donner une brassée de roses à la Champmêle, enfin, c'était il y a quelques temps ... E. LATTANZIO : Ce sont des roses qui se sont un peu fanées peut-être ... Derrière les coulisses il y a donc tout un monde qu'on ne voit pas lorsqu'on est spectateur moyen, et, par extention, le mot a très vite désigné tout ce qu'on ne voyait pas, par exemple dans le domaine de la politique, des affaires, des grandes décisions, on parle d'ailleurs d'une manière quasiment figée des coulisses de la politique. Y. AMAR : D'une manière figée, c'est-à-dire que l'expression ne bouge plus. Les coulisses de la politique, les coulisses des grands événements. Pour tel congrès de tel parti, on pourra dire que tout ce qui était vraiment important s'est joué en coulisse. Qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'il y a eu des déclarations officielles, qu'il y a eu des discours, la une des journaux, la télévision mais qu'il y a eu de vraies décisions qui ont été prises. En fait, le grand public n'en a rien su, elles ont été prises en coulisse. E. LATTANZIO : Lorsque Yasser Arafat a serré la main de Shimon Peres, il faut savoir bien évidemment que de nombreuses négociations avaient eu lieu depuis fort longtemps, et toujours en coulisse. Y. AMAR : Ils avaient répété leur poignée de main sans qu'on les voit. Donc, on dit parfois "la" coulisse dans le sens figuré : tout ce qui s'est passé non pas dans les coulisses mais dans la coulisse. On parlera d'ailleurs de manoeuvre de coulisse, ou même d'homme de coulisse pour parler de ces gens qui aiment prendre des décisions ou qui aiment être importants, être influents, mais ne pas trop se montrer sur le devant de la scène, et, en tout cas, ne pas faire de vedetariat. C'était "Parler au quotidien", une émission proposée par le Centre National de Documentation Pédagogique ... E. LATTANZIO : ... Et par Radio France Internationale.