VENT
Par: Yvan Amar et Evelyne Lattanzio
Y. AMAR : Oh, il y a du vent ! Et quel vent ! E. LATTANZIO : Vous voyez, vous dites : "il y a du vent" et non "il vente". L'expression existe mais elle est un peu vieillie, et en tout cas, ce n'est pas la plus courante. Ca s'écrit, ça se dit peu. Que peut-on dire alors ? Il y a du vent; il y a un de ces "zefs". Y. AMAR : Attention, ça c'est de l'argot, même si cet argot a des lettres de noblesse et nous arrive tout droit de la mythologie. Il dérive de cette bise tiède et sensuelle qu'on appelle "zéphyr". "Tout vous est aquilon, tout me semble zéphyr" disait le chêne au roseau chez La Fontaine. E. LATTANZIO : Mais son passage en argot a ôté la douceur de ce qui était, au cou des Anciens, comme une écharpe de soie. Au contraire, le "zef", "ça décoiffe". Y. AMAR : Pendant très longtemps, le vent a essentiellement servi à faire avancer les bateaux à voile. De là un certain nombre d'images qui sont restées dans la langue contemporaine : comme "avancer contre vents et marées" - tout simplement avoir du mal à avancer, à poursuivre ses projets, devoir braver les difficultés et les obstacles. Mais l'expression est positive : elle implique qu'on y arrive. E. LATTANZIO : "Avoir du vent dans les voiles" a un sens différent : c'est tituber, parce qu'on a abusé de la bouteille. Y. AMAR : L'image est la même que dans l'expression "avoir le vent en poupe". L'image est la même, mais attention !, la signification est radicalement différente : cette dernière tournure renvoie à l'idée du vent arrière, du vent dans le dos qui vous pousse vers votre destination. C'est que vous êtes dans une bonne période et que l'existence vous sourit. E. LATTANZIO : Le vent est aussi lié au hasard, car la navigation était très sujette au hasard : "quel bon vent vous amène ?" Cette adresse dénote une surprise agréable provoquée par une visite imprévue. Y. AMAR : Au temps jadis, le vent, en plus de la navigation, était tout à fait utile aux chasseurs, et surtout à leurs chiens qui humaient les pistes. E. LATTANZIO : Un jeune chien va donc "nez au vent" - il est étourdi, disponible, un peu naïf, mais ouvert à toute expérience. Et cela vaut bien sûr pour les humains qui se promènent dans la vie en suivant leur inspiration. Y. AMAR : Et "prendre le vent", c'est encore autre chose, c'est se faire une idée des nouvelles tendances, de l'atmosphère générale, de l'évolution d'un marché, ou d'une mode. C'était "Parler au Quotidien", une émission proposée par le Centre National de Documentation Pédagogique ... E. LATTANZIO : ... et par RADIO FRANCE INTERNATIONALE.