OPPORTUNITE

Par: Yvan Amar et Evelyne Lattanzio

E.LATTANZIO : Moi qui ai toujours rêvé de connaître le Portugal,
je viens d'avoir l'"opportunité" d'y aller.

Y.AMAR : Ça c'est une chance ! Mais votre vocabulaire est
peut-être moins chanceux : on ne doit pas dire une "opportunité"
pour une "occasion". Cet usage, de plus en plus répandu, insulte
la stricte observation du lexique français.

E.LATTANZIO : Et pourtant le mot opportunité existe. Alors, avec
quel sens ? Il dérive d'"opportun" qui signifie "à propos",
"convenable". On parle ainsi d'un moment opportun pour faire telle
ou telle chose, d'une parole opportune, c'est-à-dire judicieuse.

Y.AMAR : A ce propos, il ne faut pas confondre "opportun" et
"importun". Un importun, c'est ce qu'on appelait au temps de
Molière un "fâcheux". C'est une personne qui vous ennuie, ne sait
pas se faire discrète, s'incruste auprès de vous, ne se rend pas
compte qu'elle est de trop. Et lorsqu'une femme se plaint d'être
importunée, il s'agit en général de l'insistance d'un soupirant
balourd qu'on aimerait éconduire.

E.LATTANZIO : Autre différence entre les deux mots : "opportun"
s'applique à des circonstances, à des faits, alors qu'"importun"
s'applique à des personnes ou à des comportements.

Y.AMAR : Revenons maintenant à l'abus du mot "opportunité". On
l'emploie (à tort) dans le sens d'occasion favorable, parce que
d'abord, il s'agit d'un anglicisme. "Opportunity" a ce sens en
anglais. En France, on peut dire "chance" ou "occasion" ou même
"bonne fortune".

E.LATTANZIO : Opportun et opportunité ont eu des dérivés :
opportuniste et opportunisme. A la fin du 18ème siècle, ces mots
se sont d'abord appliqués à un comportement politique. Et de façon
plus globale, l'opportuniste, c'est celui qui agit en tirant parti
des circonstances. Le sens, bien sûr est péjoratif.

Y.AMAR : Et dans un contexte politique, il s'agit de celui qui
place son intérêt avant ses principes, si d'ailleurs il a des
principes. Il sent le vent et prétend avoir telle ou telle
position, parce que simplement cela sert sa position, peut-être
ses possibilités de ré-élection, même si ça ne sert pas ses
électeurs.

E.LATTANZIO : Dernier sens très différent et très contemporain :
on parle de maladies opportunistes, avec le SIDA notamment. Il
s'agit de maladies qui s'installent, non pas parce que le risque
de contagion est particulièrement fort, mais parce que les
défenses immunitaires étant très affaiblies, l'organisme ne peut
lutter efficacement contre un mal, qui sans cela, serait aisément
éliminé.

Y.AMAR : C'était Parler au Quotidien, une émission proposée par le
Centre National de Documentation Pédagogique ...

E.LATTANZIO : ... Et par RADIO FRANCE INTERNATIONALE.