CREATURE
Par: Yvan Amar et Evelyne Lattanzio
Y. AMAR : Eve, notre aïeule, vous souvenez-vous ? E. LATTANZIO : Un peu, un peu ... Y. AMAR : Eh bien, elle n'était rien d'autre qu'une créature. Mais au sens propre du terme, et la première du genre ... E. LATTANZIO : Comme Adam, qui était créature, de même que Dieu était son Créateur. Nous sommes là dans un vocabulaire religieux et théologique. Mais le mot existe également en français courant, où il s'est, en général, chargé de valeurs péjoratives. Y. AMAR : "Qu'est-ce que c'est que cette créature ?", comme dit la femme jalouse et mûre en apercevant son mari tout près d'une jeune brunette inconnue. E. LATTANZIO : Là, c'est du vocabulaire de théâtre de boulevard. Il s'agit de femmes considérées comme étant de moeurs légères, parfois vénales ... de petites vertus. Pourtant les femmes n'ont pas le monopole du mot. "J'ai rencontré hier la charmante Suzanne avec son mari, une créature inquiétante, presque diabolique !". Y. AMAR : Ici "créature" est également péjoratif. On se demande si cette personne a encore quelque chose d'humain. C'est presque une chose, avec son monocle et sa jambe raide. E. LATTANZIO : A côté de ces créatures de cauchemar, on entend parler de créature de rêve, femme idéale, mais justement créature sans réalité. On le voit plutôt sur les couvertures de magazine que dans la réalité. Encore un sens de créature : celui qui est entièrement soumis à la volonté d'un autre. Y. AMAR : Comme Bonacieux, la créature du Cardinal dans les Trois Mousquetaires. Ce mot a presque le sens d'espion, d'âme damnée. E. LATTANZIO : Terminons avec Frankenstein et sa légende. On dit souvent "affreux comme Frankenstein", comme si Frankenstein était monstrueux. Mais on se trompe : Frankenstein n'est qu'un savant au physique ordinaire, c'est le robot qu'il a inventé, sa créature, qui fait peur. C'était Parler au Quotidien, une émission proposée par le Centre National de Documentation Pédagogique ... E. LATTANZIO : ... et par RADIO FRANCE INTERNATIONALE.