LISIBILITE

Par: Yvan Amar et Evelyne Lattanzio

E.LATTANZIO : Notre gouvernement et son action manqueraient-ils de
"lisibilité" ? En ont-ils plus ou moins que le gouvernement
précédent ? Ce sont des interrogations qu'on a beaucoup entendues
ces temps derniers. On peut s'interroger sur ce mot fort à la
mode, de lisibilité, qu'on entend et qu'on lit un peu partout.

Y.AMAR : Je vous sens légèrement agacée par la vogue de ce terme.
Ce mot bien sûr vient de "lire". Au sens propre, la lisibilité est
le fait de se lire aisément. Au sens actuel, figuré, il est plus
ou moins synonyme de clarté. Le gouvernement a une bonne
lisibilité si l'on comprend bien ce qu'il veut, ce qu'il fait,
s'il y a une bonne adéquation entre les intentions, les programmes
et les actions.

E.LATTANZIO : Il est vrai que je suis un peu agacée ... Mais on
peut revenir à tous les sens du verbe lire et concéder que
l'emploi actuel de lisibilité va dans la même direction que
beaucoup d'emplois de ce verbe : lire c'est comprendre, en
particulier comprendre un texte parce qu'on en connaît le code. On
lit la musique, on lit une carte, on lit un graphique, un schéma,
lorsqu'on comprend ce que veulent dire les signes.

Y.AMAR : Lire c'est comprendre et même parfois comprendre ce qui
va se passer : lire c'est prédire l'avenir, dans des expressions
telles que "lire dans les étoiles", "lire dans les lignes de la
main", "lire dans le marc de café".

E.LATTANZIO : Le nom "lecture" a également ce sens : la lecture
c'est aussi l'interprétation, la compréhension d'un texte.

Y.AMAR : Autre effet de mode : on peut dire qu'un metteur en
scène, mettons Louis Jouvet, donne une lecture religieuse de Dom
Juan de Molière, on sous-entend qu'il a privilégié l'inquiétude
religieuse où baigne tout ce texte. Alors que la lecture d'Antoine
Vitez en était diamétralement opposée. Voilà deux "lectures"
différentes de Molière.

E.LATTANZIO : On entend même parler de "relecture" pour désigner
une interprétation contemporaine des oeuvres du passé.

Y.AMAR : On parlait vendredi du verbe "revisiter". Le nom
"relecture" correspond assez bien au verbe "revisiter" et les deux
font partie d'un langage très actuel et un peu affecté. C'était
Parler au Quotidien, une émission proposée par le Centre National
de Documentation Pédagogique ...

E.LATTANZIO : ... Et par RADIO FRANCE INTERNATIONALE.