SERVICE

Par: (pas credité)


Y.AMAR : La nouveauté de l'année - la principale ? - c'est quand
même la disparition du Service National, tout au moins dans l'état
où on le trouvait jusqu'alors. Finis les bleus, les perm' et les
Troupes. Finis les trains bondés de jeunes gens éméchés criant
énigmatiquement "Zéro, zéro, zéro, zéro!..." Il ne s'agit pas
seulement d'un changement structurel des stratégies de défense
nationale mais tout un pan de notre argot disparaît!

E.LATTANZIO : Il y avait bien sûr dans cet argot de très nombreux
termes qui appartenaient à un jargon interne de l'armée, presque
incompréhensible pour le commun des mortels, mais également des
mots que tout le monde comprenait, sans toujours en connaître
l'origine.

Y.AMAR : "Faire son service" a été depuis des décennies
l'obligation de tous les jeunes Français : Service Militaire (nom
générique et ancien, remplacé officiellement depuis 1971 par
Service National). Et quand on s'apprêtait à la faire, on devenait
un "bleu", un "troufion", un "bidasse".

E.LATTANZIO : Un "bleu" c'est-à-dire un nouveau, désigne plutôt
les tout nouveaux appelés (c'est le nom officiel : appelé sous les
drapeaux). Par extension argotique, on parlait aussi de la
"bleusaille" (entre le singulier et le collectif : "Alors la
bleusaille!"), des "bleubittes" (plus vulgaire). Alors pourquoi
"bleu" ? Parce que jadis les conscrits d'origine paysanne et
modeste arrivaient le plus souvent à la caserne en blouse bleue.

Y.AMAR : Mais ce mot de bleu, souvent couleur d'uniformes a servi
à désigner à plusieurs reprises des militaires de différents camps
: soldats de la Maison du Roi (1752), républicains (1793),
bonapartistes (1867), etc ...

E.LATTANZIO : "Bidasse" renvoie à des appelés quelque soit leur
ancienneté. L'origine du mot est à chercher dans une chanson
populaire de Polin, célèbre comique troupier du début du siècle.
Il s'agit simplement du nom d'un conscrit.

Y.AMAR : "Troufion" désigne de façon assez générale un soldat de
2ème classe, sans référence obligée au fait qu'il fasse son
Service, à l'étranger, par exemple, si l'on croise une patrouille,
on parlera des "troufions" qu'on a rencontrés - font-ils ou pas
leur Service Militaire ? On n'en sait rien ... Attention, le terme
est très familier.

E.LATTANZIO : L'origine combine plusieurs références : "troufion"
est une réfection populaire de "troupier". En même temps, il fait
calembour avec le "le trou du fion". Un troufion est donc associé
à un bêta.

Y.AMAR : La fin du Service était toujours fêtée comme la "quille".
Origine très obscure de cette image qui symbolise la libération de
l'appelé. Peut-être est-ce le moment où l'on peut "jouer des
quilles" (des jambes) - c'est-à-dire s'enfuir ... Pas sûr.

E.LATTANZIO : En tout cas, c'est le jour où l'on crie "Zéro!..."
c'est-à-dire "zéro au jus", référence au décompte des jours qui
restent à tirer qui s'opère au moment du café matinal, le "jus".