NEW LOOK

Par: (pas credité)


E.LATTANZIO : Fin février 47, il y a juste cinquante ans
aujourd'hui, un vent de révolution soufflait dans les robes, les
jupes et les chapeaux : Christian Dior présentait la mode "New
Look". Jupes plus longues, silhouettes aristocratiques, cette
ligne eut un succès fou. Mais surtout, on sentait pointer le nez
du prêt-à-porter : la haute-couture séduisait Madame
Tout-le-Monde, et descendait dans la rue, à tout le moins dans les
milieux petit-bourgeois.

Y.AMAR : Le paradoxe tient à ce que ce fleuron de la haute-couture
parisienne qu'est Christian Dior ait brodé son étendard d'un
anglicisme. Car quand même, New Look... Souvenons-nous qu'en
1947, Anglais et Américains étaient relativement populaires, voire
à la mode. Et comme l'anglomanie n'était pas de mise à l'époque,
donc nullement suspecte de nous envahir, Dior faisait figure de
pionnier.

E.LATTANZIO : D'autre part, l'expression est facile à prononcer
pour un français, elle évoque la nouveauté, car tout le monde
connait le sens de "new", elle rappelle peut-être même le "new
deal", formule de Roosevelt qui date d'avant-guerre, qui est liée
à la politique américaine, mais qui avait été très souvent dite,
écrite et commentée en France. "New Look", comme "new deal",
évoque un nouveau départ.

Y.AMAR : Le mot "look" était donc lancé, sa signification, plus
que "regard", "apparence, aspect, style" était devenue familière
en français. Puis le look s'endort pour trente ans.

E.LATTANZIO : Au début des années 80, le mot réapparait dans un
français qu'on appelle alors "branché" : le "look", c'est l'allure
qu'on se donne, souvent d'ailleurs quand cette allure sort du
prévu, de l'ordinaire : un look d'iroquois, de notaire, de cadre,
etc.

Y.AMAR : Le mot prend de l'autonomie et peut alors s'appliquer à
autre chose qu'un être humain : un chien, certes, mais aussi un
intérieur, une voiture, un journal. Et le succès aidant, le mot
fait des petits.

E.LATTANZIO : Le verbe "looker" apparaît, surtout au pronominal,
"se looker", attesté dans "Rey", mais me semble-t-il, en
déconfiture : se looker = se donner une allure, un genre.

Y.AMAR : Plus original, "relooker" qui plus encore que "looker"
(pourtant à la terminaison bien française, sur ce radical
anglo-saxon) montre l'indépendance du mot. "Relooker", d'origine
anglo-américaine, ne correspond à aucun mot anglais ou américain,
et c'est une création purement française, qui signifie, en gros,
changer l'image d'un produit en le rajeunissant, en le dynamisant,
en tentant de le rendre plus séduisant.

E.LATTANZIO : Le mot est récent, pas la chose : les bas Dimanche
s'étaient relookés en devenant Dim, la Semaine à Paris en devenant
Pariscope, la Manufacture des Armes et Cycles en devenant
Manufrance. Un exemple plus récent ? La Poste ou France Télécoms.