LES AGRICULTEURS

Par: (pas credité)


Y.AMAR : Ca y est ! La grande fête rurale est ouverte ! A nous les
plaisirs et les jours, et rendez-vous au Salon de l'Agriculture.
Qu'y verra-t-on ? Des veaux, des vaches, des cochons, des couvées
... des hommes politiques (tous s'y présentent) ... et puis quoi
encore ? Des agriculteurs (forcément, au Salon de l'Agriculture).

E.LATTANZIO : Mais comment les appelle-t-on ceux-là ?
"Agriculteur" c'est pratique, c'est un mot neutre, ni noble, ni
méprisant, ce qui est rare dans ce milieu de paille et de foin.
"Exploitant agricole", technocratique.

Y.AMAR : Mais la plupart des mots qui désignent cette admirable
activité, cette alchimie rustique toujours recommencée, sont
empapillotés du mépris le plus insigne.

E.LATTANZIO : Même "paysan" est injurieux. Pourtant cette
appellation est souvent assez neutre, bien qu'elle soit plus
familière qu'"agriculteur" qui lui a un caractère plus officiel,
presque administratif. Ce mot de paysan peut être d'ailleurs
prononcé avec un rien de fierté, comme pour revendiquer cet
ancrage dans la glèbe qu'il implique.

Y.AMAR : Ce dédain ne date pas d'hier, puisque certains mots ont
perdu leur sens propre pour ne garder que leur sens dérivé
péjoratif.

E.LATTANZIO : "Vilain", par exemple, qui à l'origine désigne celui
qui travaille à la "villa", la ferme romaine. Au Moyen-Age, le
vilain est un paysan libre, puis le mot accentue le fait que le
vilain n'est pas noble (Cf. "savonnette à vilain" : charge achetée
par un roturier pour s'anoblir). L'évolution du mot est liée au
dédain habituel dans lequel les paysans sont tenus
(traditionnellement, les lieux considérés comme évolués sont ceux
où on est "urbain" et "poli" : la ville). Mais la proximité de la
famille "vil, vilénie" (sans aucun rapport étymologique) y est
pour beaucoup.

Y.AMAR : D'autres mots appartiennent au vocabulaire familier,
voire populaire : "croquant", à l'étymologie contestée. Ce mot qui
naît à l'extrême fin du 16ème dans le Sud-Ouest (Creuse actuelle
?). Désigne-t-il ceux qui "croquaient" (paysans misérables qui
pillaient et rançonnaient, faute de vivre décemment) ou qui se
faisaient eux-mêmes "croquer" par un seigneur exploiteur, qui, par
dérision, leur aurait réciproqué le mot ?

E.LATTANZIO : Signalons rapidement les "rustres", ruraux et
grossiers, avant de passer à quelques mots plus modernes :
"pèquenot" (origine quasi inconnue), "plouc" (apocope de
Pougastel-Daoulas qui bénéficie d'une belle onomatopée
expressive), "bouseux" et "cul-terreux", dont les images parlent
pour elles-mêmes.