CROISADE
Par: (pas credité)
E.LATTANZIO : "Croisade pour l'emploi" : c'est l'une des
expressions favorites de nos politiciens, vu que la lutte contre
le chômage, pour l'instant, ne s'est pas fait remarquer par des
résultats stupéfiants. Une croisade contre le chômage implique
donc l'idée d'un grand élan collectif au service de tous, qui va
s'amplifiant, n'a pas peur de la longueur du chemin, ni de la
difficulté de l'entreprise, et éventuellement, peut-être la
réponse d'une foule à l'appel d'un seul. C'est ainsi en tout cas
qu'on peut comprendre le mot qu'a, en particulier, employé le
Président de la République.
Y.AMAR : Qu'est-ce que c'est au départ qu'une Croisade ? Le mot
apparaît en français vers le XIVème siècle donc sensiblement après
que les dernières Croisades se soient terminées. Il s'agit, au
sens strict, de huit opérations militaires qui se déroulent entre
la fin du XIème siècle et la fin du XIIIème siècle (1096-1270).
E.LATTANZIO : Parties d'Occident à l'initiative de l'Eglise, leur
but était au départ d'arracher la Terre Sainte, et en particulier,
Jérusalem, ville sainte pour les Chrétiens (mais aussi pour
d'autres : les Juifs et les Musulmans) aux mains des Turcs, puis
de défendre les Etats chrétiens qui avaient été créés en Orient (à
l'issue de la Seconde Croisade).
Y.AMAR : Certaines sont des succès relatifs, d'autres s'enlisent,
d'autres sont détournées de leur fonction première. Elles laissent
en tout cas des traces indélébiles dans la culture occidentale et
dans la langue française : la croisade est le fait des "Croisés"
(les soldats se cousaient une croix d'étoffe sur leurs habits).
E.LATTANZIO : Elle est "prêchée" (entreprise de galvanisation de
masse, somme toute, assez tristement moderne) soit par un pape
(Urbain II, Innocent III) soit par un saint (Saint Bernard)...
Elle repose sur l'idée de la "Reconquête", qui se nourrit
essentiellement de sentiments de revanche et de haine de l'Autre
(les Infidèles).
Y.AMAR : Tout ça donne ce qu'on a appelé la Guerre Sainte,
expression qui sert encore aujourd'hui, dans un contexte
différent, à traduire l'arabe "Jihad" : la sainteté est une bonne
façon de légitimer les guerres les plus aveugles.
E.LATTANZIO : Mais le mot "croisade" a également suivi toute une
évolution figurée. Il s'est étendu d'abord à quelques opérations
militaires menées au nom de l'Eglise chrétienne, la Croisade des
Albigeois, par exemple. Ironiquement le mot peut servir à désigner
toute action militaire sous-tendue par un conflit religieux.
Y.AMAR : De façon plus pacifique, "croisade" est devenu plus ou
moins synonyme de "campagne", lorsqu'il s'agit d'entreprendre un
chemin long et difficile pour servir un but élevé, souvent
considéré au départ comme inaccessible, à contre-courant, etc.
E.LATTANZIO : Et on entend indifféremment les expressions
"croisades pour ..." ou "croisade contre ...", croisades contre le
tabagisme, le cancer, le harcèlement sexuel. Ou croisade de Simone
Veil pour la légalisation de l'avortement.