RAGE
Par: (pas credité)
Y.AMAR : Mot bizarre car il semble que ce soit deux homonymes qui
désignent l'un une maladie, l'autre un sentiment violent.
E.LATTANZIO : Or il s'agit bien du même mot, avec son sens
littéral et son sens figuré. Rage vient du latin "rabies", maladie
du chien. On retrouve la consonne "b" dans les adjectifs savants
"rabique" et surtout "antirabique" (médicament, vaccin).
Y.AMAR : Enragé, au premier sens, veut donc dire atteint de la
rage. On retrouve ce sens dans certaines expressions ou proverbes :
qui veut noyer son chien l'accuse de la rage.
E.LATTANZIO : Et quand on parle de chien enragé, on est entre le
littéral et le figuré : on peut parler d'un chien réellement
atteint par cette maladie (donc contagieux et dangereux) ou
simplement d'un chien furieux ou, le plus couramment, à titre de
métaphore, d'un humain qu'on compare à un chien enragé.
Y.AMAR :Cf. les "enragés" de 68, mot au départ méprisant pour
désigner les étudiants irréductiblement révoltés. L'un des
symptômes de cette maladie est le transport incontrôlé qui évoque
la furie. De là les sens figurés.
E.LATTANZIO : La rage est une grosse colère agressive. Le mot est
encore bien vivant, mais il était très courant à l'époque
classique : "cet animal plein de rage" (le loup) chez La Fontaine.
On dit encore "entrer dans une rage extrême", "être fou de rage",
"être en rage"...
Y.AMAR : Il y a toujours l'idée qu'il s'agit d'une fureur
incontrôlable et facilement dévastatrice. L'expression "faire
rage" s'applique plutôt à des phénomènes naturels : l'incendie, la
tempête fait rage = se propage, se développe et saccage tout.
E.LATTANZIO : La rage prend alors un sens un peu différent et
intègre une idée d'archarnement (Cf. l'image du chien enragé qui
mord et ne lâche pas sa proie), qui ne s'avoue jamais battu.
Y.AMAR : Cf. quelques expressions : la rage de vaincre, la rage de
convaincre, la rage de vivre ...
E.LATTANZIO : On le voit, le sens s'affaiblit dans quelques
emplois, même s'il reste fort. L'adjectif "rageur" et l'adverbe
"rageusement" évoquent en général une colère impuissante et
dépitée, qui cherchent à compenser cette impuissance par une
manifestation très ostensible.
Y.AMAR : Enfin "faire enrager" ou "faire rager", c'est mettre
quelqu'un en colère par jeu, par provocation.