ENFANTS NATURELS, ILLEGITIMES, BATARDS, ETC.

Par: (pas credité)


Y. AMAR : C'est aujourd'hui, le 8 avril, que doit être rendu le jugement dans
l'affaire du petit Lionel, confié à sa naissance par sa mère
naturelle aux époux Buratti, et réclamé aujourd'hui par son père
naturel. Quelle est donc la signification de cet adjectif "naturel"
?

E. LATTANZIO : L'enfant "naturel" s'oppose traditionnellement à
l'enfant "légitime", et ce terme juridique désigne depuis longtemps
(1398) un enfant né hors mariage, et en général parallèlement à un
mariage existant. Il renvoie plus particulièrement au lien entre
un père (en général marié) et l'enfant qu'il a avec une femme qui
n'est pas la sienne.

Y. AMAR : En ce qui concerne une mère, le mot est moins fréquent :
ou bien elle est mariée, et si elle a un enfant d'un autre que son
mari, on parlera plus techniquement d'enfant adultérin. Ou bien
elle ne l'est pas : le terme "naturel" est alors possible, mais
pourtant peu utilisé. L'enfant naturel est donc essentiellement un
enfant qu'un homme a laissé "dans la nature" (il n'est pas
généralement élevé au foyer de son père). Pour autant, le mot
n'est pas franchement péjoratif, de même que l'expression,
littéraire et romantique "enfant de l'amour".

E. LATTANZIO : L'adjectif "illégitime" est plus péjoratif et exprime
plus explicitement le rejet hors de l'ordre moral. De nos jours
encore, les droits des enfants illégitimes ne sont pas les mêmes
que ceux des enfants légitimes en matière d'héritage.

Y. AMAR : Mais le mot réellement injurieux existe bien sûr, pour
marquer le manquement à l'ordre social : c'est "bâtard". Le mot est
d'origine obscure, avec plusieurs étymologies fantaisies qui
marquent bien l'excitation réprobatrice que suggère le mot : le
bâtard aurait été conçu sur un bât.

E. LATTANZIO : C'est-à-dire un harnachement de bête de somme
(hâtivement, dans l'écurie d'un relais, à la faveur d'un
changement d'équipage) ou dans un bansti (une grange - origine
germanique).

Y. AMAR : Là encore, rôde le romantisme douteux des amours
ancillaires expéditives. Même si ces étymologies ne résistent pas
à l'analyse, on y voit bien l'écho méprisant du mot : "bâtard" est
une insulte.