ECOUTES

Par: (pas credité)


Y. AMAR : Qu'est-ce que ces "écoutes" téléphoniques dont on parle?
L'expression renvoie à la pratique qui consiste à écouter, à
leur insu, des interlocuteurs qui se parlent au téléphone. On dit
alors qu'ils sont "sur écoute", abréviation de "sur table
d'écoute".

E. LATTANZIO : Assez curieusement, on remarque en français
quelques lacunes linguistiques concernant ceux qui écoutent alors
même qu'ils ne sont pas censés le faire, et qu'ils le font en
cachette.

Y. AMAR : On n'a en effet aucun autre verbe qu'écouter.
L'expression "écouter aux portes" existe, soit avec un sens
propre, soit au sens figuré, avec le sens d'être très indiscret,
de se mêler de ce qui ne vous regarde pas, de toujours vouloir
être au courant de tout.

E. LATTANZIO : Et pour le regard, on est tout aussi démuni : quel
verbe permet d'exprimer qu'on regarde, caché, et qu'on voit sans
être vu ? Aucun, en français standard.

Y. AMAR : On a bien "épier" qui signifie observer à la dérobée,
être aux aguets. C'est d'ailleurs le mot qui est à l'origine de la
famille "espion, espionner". Mais son sens est plus vague, plus
englobant que le verbe qu'on cherche et qui nous manque. Dans la
famille de voir, plusieurs mots existent, qui vont tout à fait
dans le sens qui nous intéresse ; seulement, ce ne sont pas des
verbes.

E. LATTANZIO : "Voyeur" apparaît au 12ème siècle avec le sens de
guetteur. Ce n'est qu'au 19ème qu'il prendra le sens qu'il a
aujourd'hui : assister, à l'insu des protagonistes, à une scène
érotique. "Voyeurisme" est plus tardif (années 30), et appartient,
au départ, (il s'est banalisé aujourd'hui) au vocabulaire
psychiatrique.

Y. AMAR : Alors ! et les verbes ? On a bien "toucher" ou "lorgner"
mais ce n'est vraiment pas ça. On "louche", sur la copie du voisin
ou sur le décolleté de la voisine, lorsqu'on regarde mine de rien,
feignant l'indifférence. Mais enfin celui qui louche est bien là,
visible. Il n'est pas caché derrière le trou de la serrure.

E. LATTANZIO : Il nous reste "mater" qui correspond au sens que
l'on cherche, mais il est argotique, et de sens presque uniquement
sexuel. Il vient du français d'Afrique du Nord, et en particulier
de l'expression "faire la mata", c'est-à-dire faire le guet, qui
vient étrangement de l'espagnol "mata" = buisson. C'est bien sûr
"mater" qui a donné "mateur" (celui qui mate - également
argotique), mais aussi "maton' : le gardien de prison.