DISSOLUTION

Par: (pas credité)


Y.AMAR : De quoi on parle en ce moment ? De dissolution de
l'Assemblée Nationale. On en parle beaucoup, mais sans trop
conjuguer, vu que ce verbe est l'un des plus perversements sioux de
la langue française.

E.LATTANZIO : Présent : Chirac dissout, passé : Chirac a dissous,
futur : Chirac va dissoudre. Ou bien on parle d'opérer une
dissolution. Et basta !

Y.AMAR : Faut-il stigmatiser cette paresse morphologique ? C'est
plus une sagesse qu'une paresse. Pourtant on peut essayer de
conjuguer, au présent : je dissous, nous dissolvons...

E.LATTANZIO : On a déjà deux bases. La base en "-olve" se retrouve
à l'imparfait, je dissolvais, et au subjonctif, que je dissolve.

Y.AMAR : Mais on a aussi une forme en "oudre" : à l'infinitif bien
sûr : dissoudre, au futur/conditionnel : je dissoudrai(s). Le plus
étrange peut-être est le couple masculin/féminin au participe
passé : dissouS/dissouTE/dissolu. Le passé simple est simple : il
n'existe pas !

E.LATTANZIO : Et pour le sens alors ? Au sens matériel, dissoudre,
c'est faire fondre un solide dans un liquide : on dissout un
morceau de sucre ou un cachet d'aspirine.

Y.AMAR : Au sens abstrait, dissoudre, c'est mettre fin à
l'existence légale, aux pouvoirs d'une instance constituée, d'une
assemblée (ce sens abstrait a d'ailleurs été le premier, non le
sens dérivé).

E.LATTANZIO : En particulier bien sûr dissoudre l'Assemblée
Nationale, c'est annuler cette assemblée en tant que telle et
susciter l'élection d'une nouvelle.

Y.AMAR : Mais aussi bien dissout-on une société ou un mariage ou
un parti.

E.LATTANZIO : Et les dérivés, alors ? Bizarre, bizarre ! D'abord
dissous est différent de dissolu. Dissoluble existe (à propos
d'une société ou d'une assemblée que quelqu'un a le droit et le
pouvoir de dissoudre), mot rare et plutôt savant. Son contraire
existe aussi : indissoluble, dans les mêmes contextes.

Y.AMAR : Mais l'adverbe "indissolublement" est plus littéraire que
savant et s'emploie plutôt par image : Tristan et Yseult sont
indissolublement liés par le philtre qu'ils ont bu.

E.LATTANZIO : Mais le malheur veut qu'à côté de dissoluble on ait
"soluble", au sens bien plus matériel (bien qu'au Moyen-Age, le
mot se fût appliqué à un pêché qu'on pouvait amender) : on parle
de café soluble ou, pour rire, de poisson soluble.

Y.AMAR : Soluble a-t-il un contraire, insoluble ? Oui mais dans un
tout autre sens encore : est insoluble un problème qui n'a pas de
solution.