OFF

Par: (pas credité)


Y.AMAR : On fait en ce moment le bilan des forages "offshore"...
"Offshore" : ce mot dont on parle reste un mot très technique, qui
appartient encore au monde des chercheurs de pétrole. On appelle
"offshore" ou "off shore" une plate-forme de forage pétrolier
située en pleine mer (=loin du rivage). L'expression est
intéressante en ce qu'elle fait intervenir une postposition
anglaise dont l'usage s'est plus ou moins introduit en France dans
certains contextes.

E.LATTANZIO : Ces contextes ne sont d'ailleurs nullement liés au
monde industriel, mais plutôt à celui du spectacle. Au cinéma ou à
la télévision, on parle souvent de "voix off". On entend une voix
(commentaire, monologue, dialogue parfois), mais on ne voit pas
parler le locuteur. En anglais, il s'agit de l'abréviation de "off
screen" : hors de l'écran, ou même "off stage" : hors de la scène.
Le sens de "off" est donc clair : hors de, à l'écart de, en
retrait de. Bien entendu, les recommandations officielles pour le
bon usage de la langue française n'ont que mépris pour cet infâme
anglicisme et préconisent "hors champ".

Y.AMAR : Le mot "off", dans le langage un peu à la mode des gens
du spectacle a encore un autre sens, qui lui tire son origine de
la vie culturelle new-yorkaise. Le quartier traditionnel des
théâtres est situé, tout autour de la grande artère oblique qui
coupe l'île de Manhattan, à la hauteur, en gros de la Cinquantième
rue. Broadway, le nom de cette grande avenue est donc devenu
synonyme de ce quartier des théâtres ...

E.LATTANZIO : Un peu moins bien situés, légèrement à l'écart de
cet épicentre culturel, se sont établis d'autres théâtres, qu'on a
désigné tout naturellement comme étant "off Broadway".
L'expression est devenue courante, et a suscité à son tour
l'expression "off off Broadway" : les théâtres qui n'appartiennent
pas à ce "off Broadway".

Y.AMAR : Bien sûr, ces repérages géographiques se sont doublés
d'échos subjectifs et de jugements de valeur. Plus on s'éloigne de
Broadway, plus on semble s'éloigner de la convention, être à
l'avant-garde.

E.LATTANZIO : En tout cas, cette toponymie américaine a fondu sur
Avignon, lieu du plus grand de nos festivals de théâtre, qui
suscite chaque année une pléthore de représentations dépassant de
beaucoup la programmation officielle et donc hébergées dans les
lieux les plus divers. On s'est mis à parler couramment du "off"
et à employer ce mot comme un nom commun. Noter d'ailleurs qu'on
le prononce comme s'il était affublé d'un "h" aspiré : on dit "le
off".

Y.AMAR : Le mot s'est implanté, et parfois même, on l'entend
utilisé dans d'autres contextes géographiques : en marge du
Festival de Montpellier s'est constitué un "off" : le soir tard,
ou en début d'après-midi, on peut entendre d'excellents musiciens
dans de modestes estaminets.