AVION
Par: (pas credité)
Comme la langue est hasardeuse, et comme c'est là son charme : en
ce qui concerne les objets volants, une racine nous tendait les
bras : "air" (le plus lourd que l'air). C'est une autre qu'on a
choisie : "avis" = oiseau en latin - les hommes volent sur de
grands oiseaux.
Pourtant, la racine "air" était bien partie. Rousseau parle de
navigation "aérienne", puis, au début du 19ème siècle, cette
famille inspire les sectaires du ballon : aérostat (= ballon),
aéronef (qui peut naviguer), aéronaute, aéronautique, qui nous
est resté : l'industrie aéronautique.
Seconde moitié du 19ème siècle, aéroplane (= qui se soutient grâce à
ses plans, i.e. ses ailes). Ce mot fait un début de carrière
très honorable et pousse même la notoriété jusqu'à l'apocope :
"aéro", qui aurait pu rester, comme auto, métro, moto, etc.,
toutes les abréviations en "o" qui nous transportent.
Quelques rejetons sont encore, d'ailleurs, de solides gaillards :
aéroclub, aéroport, aérospatial... Mais les faits sont là, "aéro"
a vécu, bousculé par "l'avion".
D'où nous vient-il celui-là ?
Joseph de la Laudelle et Penton d'Amicourt, inventifs olibrius
qui, un soir de déraison indolente créèrent une série de mots
tirés du latin "avis" : avier, aviateur et aviation (1863) (ils
créèrent aussi le mot hélicoptère), anticipant par les mots sur
les choses.
Sur les traces de leurs pas, Clément ADER, l'aérien, en 1875,
construit et nomme du même mouvement "l'avion". Nom propre,
d'abord, qu'il donne à ses modèles : Avion I, II, III...
40 ans plus tard, pendant la guerre 14, le nom se répand à tire
d'aile et supplante aéroplane.
Des dérivés ? Oui, il y en a quelques-uns : avion-cargo,
avion-taxi, hydravion...
Et aussi "avionneur" : constructeur d'avions (industriel qui
construit des avions), mots qui semblaient désuets et qu'on a vu,
par exemple, refleurir partout à la mort de Marcel Dassault.
En tout cas, avion tient bon, par exemple, face à des anglicismes
: "jet" par exemple (= avion à réaction, = à turbine) qui a eu un
certain succès dans les années 60, quand cette technique s'est
répandue.
Mais on ne nomme spécifiquement que l'exception.
Lorsque les "jets", les avions à réaction, sont devenus la norme,
on a cessé de les appeler des jets. On dit des avions, tout
simplement. Et maintenant, c'est lorsqu'ils ne sont pas équipés de
turbo-réacteurs qu'on peut préciser : avions à hélices (pour les
petits avions de tourisme, ou certains avions militaires
particuliers).
De l'argot, du familier ? Pas tellement.
"Zinc" est resté d'un emploi limité (pour les connaisseurs, les
vrais amateurs, ceux qui pilotent).
"Coucou", familier également, renvoie à une machine antique et
petite.
A noter que le mot technico-bureaucratique est un terme très vague
: "appareil".
Sans ça, on utilise des termes qui évoquent leur longueur de vol :
long courrier, moyen courrier (moyen de transporter les dépêches),
ou leur capacité : gros porteur, moyen porteur, petit porteur.