ARGUS
Par: (pas credité)
On fête les 70 ans de l’Argus de l’automobile. Un bail ! Ce pourrait être mon père. L’Argus de l’automobile est un journal qui répertorie (presque) tous les modèles de voitures disponibles sur le marché français, et donne à chacun un prix moyen, une cotation estimée. Ainsi l’Argus est un observateur du marché. Mais attention, vous ne trouverez pas de cotation pour une Peugeot 1961 : c’est trop vieux et la voiture n’est plus cotée à l’Argus. Cette dernière expression sert plaisamment pour désigner quelque chose de très vieux, voire quelqu’un (en général plaisanterie machiste pour parler d’une femme), et pourtant une rose d’automne est plus qu’une autre exquise.
Auparavant encore, nous remontons dans l’histoire de la langue, on appelait un argus quelqu’un de particulièrement clairvoyant, qui ne se laissait pas abuser. Ou même parfois simplement quelqu’un dont la vue était particulièrement perçante.
Pourquoi ce nom d’Argus était-il lié de si près à l’oeil ? Une fois encore, c’est un vaudeville olympien qui va nous fournir la clé.
Argus est un personnage qui a laissé des images de lui assez contrastées. Parfois on le représente avec un oeil unique, mais extrêmement efficace ; parfois il en a quatre (deux devant, deux derrière), parfois, répartis sur tout son corps. En tout cas, il est d’une force prodigieuse, et ne rechigne pas à faire la police, il délivre l’Arcadie d’un taureau monstrueux, puis d’un méchant satyre qui ravageait les troupeaux, enfin d’Echidné, fille monstrueuse de Tartare et de Gaïa.
Mais, surtout, il fut geôlier d’Io, sa lointaine parente (notez comme c’est difficile à prononcer).
Io est une jeunesse dont Zeus s’amourache. Mais, le hasard n’est rien auprès du Destin ; Zeus a beau être Zeus, il y est soumis. Et un rêve prémonitoire avait averti Io que Zeus devait l’aimer, et qu’à cette fin, elle devait se rendre au bord du lac de Lerne pour l’y rencontrer. Les devins, interrogés, lui enjoignent d’obéir, sinon, toute la famille sera foudroyée. Bon, bon...
Mais Héra, femme jalouse, veille et Zeus transforme Io en génisse pour la protéger. Héra soupçonne la vérité et ordonne que la génisse soit surveillée jour et nuit par Argus, qui ne dormira jamais que de la moitié de ses yeux. La guerre continue et Zeus dépêche Hermès qui tue Argus en lui jouant une musique mortelle.
Et Io ? Elle fuit, laissant partout des traces de son passage et de son nom : elle longe les côtes du golfe qui, depuis, s’appelle Golfe Ionien, puis passe en Asie Mineure par un détroit que depuis, on appelle le Bosphore : passage de la vache.