VIVE LES GROS
Par: (pas credité)
Le 12 décembre, a eu lieu la conférence sur "l'obésité". Ça tombe
bien, moi qui veux maigrir ! En effet, l'obésité est le mal des gros.
Ce mot, qui appartient plutôt aujourd'hui à un vocabulaire médical,
désigne le fait qu'on est beaucoup plus gros que la moyenne de ses
contemporains. Et on considère de plus en plus aujourd'hui que
l'obésité est une maladie - donc quelque chose qui est nuisible à
la santé (et pas seulement disgracieux), mais en même temps une
affection qui peut se traiter et souvent se guérir - même si bien
sûr l'obésité est une conséquence aux causes multiples, et non un
mal unique, clairement descriptible.
L'histoire du mot est étonnante. Il apparaît en français
tardivement (vers 1825), et notamment sous la plume d'un célèbre
gastronome, Brillat-Savarin, qui l'avait pris en affection au
point qu'il s'était laissé aller à d'adorables créations
linguistiques : obésigène et obésifuge (à propos d'aliments qui
font grossir, ou qui, au contraire, permettent de garder sa
sveltesse). Hélas ! quasi-hapax que ces exquises audaces. Elles
ont vécu.
Mais l'origine d'obèse fait les choux gras du linguiste à l'affût :
"obesus", en latin commence par vouloir dire "maigre",
"décharné" ! Ce participe passé de "obedere" signifie
littéralement "celui qui est rongé". Mais dès l'époque impériale,
un superbe looping sémantique inverse le sens de cette crèpe
lexicale : "obesus", las de renvoyer à celui qui était rongé
désigne soudain celui qui ronge, donc celui qui mange, et qui
mange trop : l'obèse moderne est né.
Et l'obèse moderne est moqué. Le surpoids est une terrible tare
sociale. La langue familière en est le signe : "gros plein de
soupe, patapouf...".
Mais l'euphémisme honteux vient bien vite à la rescousse, avec
plusieurs procédés :
- la tautologie, par exemple, fait qu'on parle de quelqu'un de
"corpulent" - mot à mot, qui a du corps, et en fait, qui en a un
peu trop, en tout cas plus que la moyenne. (Ce sens de
"corpulentus" est déjà attesté en latin).
- le déplacement de sens nous entraîne à parler de quelqu'un de
"fort", pour dire qu'il est gros. (cf. Rafel : pour les gros et les
costauds).
- ou simplement, on minimise, et on a quelqu'un "d'enveloppé",
c'est-à-dire qui a beaucoup de chair autour de pas mal d'os.
Pour les filles, on est plus discret, et on parle volontiers des
"rondes", ou de celles qui sont "bien en chair".