TRAHIE, DÉLAISSÉE, SÉDUITE, ABANDONNÉE

Par: (pas credité)


11 janvier : Journée des femmes trahies par le football. Le monde du sport semble donc visité par le vocabulaire amoureux, voire conjugal.

On joue ici sur la symétrie maîtresse/football, mais on peut commencer par noter une syntaxe particulière : on est en principe trahi par ce qu'on aime, ce en quoi on a confiance. Une femme sera donc éventuellement par son mari, à la grande rigueur par sa meilleure amie, si elle est impliquée dans l'affaire, et qu'on considère que c'est à elle qu'incombe la faute, mais, franchement... pas le football ! Ceci dit, on peut se poser la question des synonymies et des différences : trahie ou trompée ?

Pour Littré ou même Larousse, il y a vingt ans, ça correspond sensiblement à la même chose : violer la foi conjugale. Idée double : violation d'un serment (la foi) et aussi dans une certaine mesure de la loi : on a "juré fidélité" à son conjoint. A rapprocher d'"adultère", dont l'étymologie signifie "fausser", "falsifier" au sens même de la monnaie (même famille qu'"altérer").

Toutefois, "trahir" et "tromper" n'ont pas vraiment les mêmes échos : "trahir" est plus pathétique et plus solennel ; il est plus définitif aussi, et semble fonctionner dans le domaine du sentiment amoureux. "Tromper" est plus concret et plus spécifiquement sexuel. Il est également plus ponctuel : on peut tromper sa femme une fois, deux fois, trois fois, vingt fois... peut-on la trahir aussi souvent ?

"Délaissé" appartient à un vocabulaire moins forcément conjugal, et, en tout cas, plus amoureux... Ce composé de "laisser" évoque un désamour progressif, pas forcément sous l'effet d'une concurrence plus attractive (quoique souvent on s'attende à la séquence : il a délaissé Delphine pour Marinette). L'idée est celle de l'ardeur attiédie, des attentions raréfiées, du soufflé retombé.
Contrairement à "trahir" et "tromper", le mot n'est pas réversible (une femme délaisse rarement un homme), et correspond à une répartition traditionnelle des attitudes amoureuses masculines et féminines : Monsieur propose, Madame dispose. Mais, si Monsieur arrête de proposer, Madame se retrouve le bec dans l'eau...

Quant à "abandonner", le mot qui connaît de multiples utilisations a une place précise dans l'expression "séduite" et "abandonnée". On est là radicalement en dehors de la situation matrimoniale. Et la jeune fille qui a fait un faux pas se retrouve seule avec son déshonneur, alors que son amant, au lieu de "réparer" ou de "régulariser", a fui.