MADAME LE MINISTRE ou MADAME LA MINISTRE
Par: (pas credité)
Trois académiciens se sont opposés assez vigoureusement, par une lettre au Président de la République, à l’appellation Madame la Ministre, et préfère qu’on dise Madame le Ministre. Ceci rallume un assez vieux problème, dont on a souvent parlé : celui de la féminisation des noms de titres et de métiers. Assez vieux, disais-je, mais pas séculaire : en effet, il découle de ce qu’un certain nombre de fonctions et professions, en général prestigieuses, s’ouvrent progressivement et parcimonieusement aux femmes : ministre, juge, etc.
Ces deux exemples, ministre et juge, posent particulièrement peu de problèmes. En effet, ces deux mots, au départ masculins, se terminent par un e muet. On peut donc facilement considérer que sans changer de prononciation, ni de forme, ils peuvent devenir féminins quand ils font référence à une femme. Dans ce cas-là, ils se retrouveraient de pair à compagnon avec secrétaire, architecte, élève, toute une série de mots pour lesquels cette souplesse de genre ne pose pas de problème. La position académicienne est d’autant plus dure à tenir qu’il ne s’agit pas d’une évolution, ou d’une dérive linguistique, mais d’une réponse à une nouvelle situation sociologique. Cette réponse est celle du bon sens, et vient de la base, en tout cas du langage courant. Elle évite l’incongruité qui consiste à dire Madame le... Elle correspond à l’usage populaire qui dit, sans pose, et sans vulgarité : la juge, comme on dit la prof.
Mais attention, les problèmes sont plus épineux lorsque les mots risquent de changer de forme au féminin, ou que leur forme n’est pas sentie comme spontanément féminine. Les mots qui se terminent en eur, par exemple, et ils sont nombreux quand il s’agit de titres ou de fonctions, ont parfois un féminin tout prêt : instituteur/institutrice. Là, pas de problème. Mais, parfois, ils n’en ont pas : proviseur, procureur. On pourrait envisager de leur rajouter un e. C’est la solution adoptée assez spontanément au Québec. Mais le Français de France, pour l’instant y rechigne, ce qui montre bien que tout ça est essentiellement affaire de sensibilité linguistique.