HAVANES ET CIGARES
Par: (pas credité)
Le pape doit profiter de son séjour à Cuba pour couronner la Vierge de la Charité du cuivre, symbole, dit-on, de la "cubanité". Quelle exagération ! On sait bien ici, que le symbole de la cubanité, c'est le cigare (oublions provisoirement l'usage de la salsa et du Cuba libre), à tel point que la capitale, La Havane, a donné son nom aux cigares qu'on y fabrique et qui passent pour les meilleurs du monde.
Havane avait d'ailleurs un presque superlatif, assez oublié aujourd'hui, c'est le "Corona", nom de cigare célèbre (cf. ce snob de Guitry, dans "Articles pour fumeurs" : parler avec Anatole France, c'est le Corona des Corona). Mais il peut être agréable aussi de bavarder avec le jardinier ; c'est fumer une bonne vieille pipe.
Tout le monde sait ce que c'est qu'un cigare - mais personne ne sait avec certitude d'où vient le mot : de "zicar", "fumer" en maya, ou d'une déformation de "cigale", par analogie de forme et de couleur... ? En tout cas, le mot a acquis quelques sens dérivés, familiers ou argotiques. Le cigare, en Occident, est devenu le signe de la richesse et de la réussite sociale - signe d'ailleurs plus caricatural que réel, mais on représente des millionnaires à cigare, des producteurs à cigare, etc. Cf. la chanson de Raoul de Godewaersveld : "Quand les cigares y changeront de bouche, quand les bagouzes elles changeront de doigt...".
Plus près de l'argot, le cigare, c'est la tête, en général d'ailleurs liée à une idée d'intelligence. Il y a d'ailleurs un certain flottement dans l'utilisation de l'expression : on dit "avoir du cigare", ou plutôt couramment, "en avoir dans le cigare". Argot, certes, mais argot d'il y a quelques années : on ne parle plus guère comme ça aujourd'hui.
Cigare a bien sûr donné "cigarette", mot qui au départ désignait un petit cigare. La chose existe encore, mais elle s'appelle maintenant "cigarillo", diminutif espagnol, qui, là encore, rappelle l'origine du cigare.
La cigarette n'a pas en français de signification spéciale ou dérivée (vaguement en pâtisserie, par analogie de forme). Par contre, le mot a de nombreux synonymes argotiques, certaines étant des reformations à partir de la première syllabe : "cibiche" ou encore "ciclope". Ce mot n'existe plus, mais, par aphérèse, il a donné "clope", mot d'argot au genre et aux sens changeants. Une clope, c'est aujourd'hui l'argot le plus courant pour désigner une cigarette. Mais au départ, le mot est employé au masculin : "un clope", c'est une cigarette coupée en deux (pour en faire deux avec une), puis une cigarette à moitié fumée qu'on éteint pour la rallumer plus tard, ou même un mégot.
C'est sur ce mégot qu'il faut terminer, ce bout de cigarette devenu trop court pour qu'on puisse le fumer, et qui nous a donné ce verbe "mégoter" - lésiner, être regardant - comme si on rallumait un mégot, ou qu'on essayait de fumer jusqu'à l'extrême limite où se brûlent les doigts ou les lèvres. Mais, le mot aujourd'hui est plutôt employé à la négative : on ne va pas mégoter.