PÉRENNITÉ

Par: (pas credité)


Si vous voulez un mot à la mode, je vais vous en donner un : c’est « pérennité » - un mot qui fait à la fois savant et raisonnable, qui vous pose sans vous faire trop remarquer. Bref, le mot technocratique par excellence, que l’on note de plus en plus dans le langage politique. On souhaite assurer la pérennité de ceci, pérenniser cela, rendre pérenne cette troisième chose.
C’est-à-dire tout simplement la rendre permanente, officiellement stable, durable. On parle ainsi de la pérennité d’une situation, d’une fonction, d’un emploi qui a commencé par être temporaire, ou intermittent. C’est dans ce sens là que je l’ai entendu récemment dans la bouche d’un politique l’adjectif pérenne. Je l’ai tout d’abord pris pour un cuistre audacieux, qui inventait le mot.

Renseignement pris, pérenne existe bien, mais jusqu’à maintenant, il n’a pas été employé dans ce sens : le mot qualifiait une rivière dont le cours n’était jamais interrompu par la sécheresse, donc qui, même au coeur de la canicule, n’était jamais à sec. Un peu le symétrique de « persistant » pour les feuilles des arbres qui ne tombent pas même en hiver.

Le mot fait penser à d’autres, de sonorité et de sens voisins. « Perpétuité » qui accentue nettement le sens « éternité ». Quant à « perpétuel », il signifie non pas qui est stable après avoir été provisoire ou ponctuel (sens actuel de pérenne), mais qui n’a pas de raison de cesser : « mouvement perpétuel, projet de paix perpétuel ». A côté de ce sens, proche « d’éternel », il signifie parfois simplement qui dure toute la vie : « prison perpétuelle » (condamné à perpétuité, à perpète - « j’ai pris perpète. Quelle embellie ! »), « secrétaire perpétuel » (Monsieur le Perpétuel...). Enfin, il veut également dire, de façon très affaiblie qui se produit tout le temps : j’ai de perpétuels ennuis d’argent...

Le verbe « perpétuer » a un sens particulier qui ne correspond pas non plus à celui de pérenniser : il s’agit de conserver un usage qui risquerait de se perdre, de garder une mémoire, soit d’une tradition, soit d’un savoir-faire.

Dernier mot qui ressemble à tout cela, « perdurer ». D’après Joseph Hanse qui s’y connaît, ce n’est pas un pur belgicisme, mais un mot dont l’usage était essentiellement une pratique belge. Ces dernières années, le mot est de plus en plus employé en français de France, avec un sens voisin de se perpétuer : un usage perdure quand il ne cesse pas, quand il ne tombe pas en désuétude purement et simplement.