MEPHISTO-VALSE ET SATAN-TANGO

Par: (pas credité)


C'est à Genève, berceau incontesté de la francophonie suisse,
qu'on présente actuellement "La damnation de Faust" de Berlioz, ce
qui nous fournit l'occasion inespérée de gloser cet inquiétant
séducteur qu'est Méphistophélès. Ce tentateur a au moins autant de
succès que Faust, sa victime tentée et sa présence est massive
dans la littérature (Goethe, Marlowe...), et dans la musique
(Berlioz, Gounod, Liszt, Schumann...).

Bien que Méphistophélès soit un avatar du diable, sa figure est
moins antipathique qu'on pourrait le croire. C'est en tout cas un
démon familier, au point qu'on le nomme couramment par son
diminutif : Méphisto. Nom de marques diverses, pseudonyme d'un
photographe actuel, ce Méphisto ne fait pas peur. Pire, il a une
physionomie assez clairement identifiable : barbiche en pointe,
sourcils circonflexes... regardez Maurice Béjard, c'est son sosie.

C'est en tout cas le plus humain des démons, métaphore des mauvais
sentiments humains, image d'un mauvais Pygmalion. L'homme a
peut-être créé Dieu à son image, mais bien plus encore le diable.
Elégant, psychologue et sardonique, Méphisto est pour la légende,
ce démon qui suggère au vieux Faust de retrouver sa jeunesse en
échange de son âme. On ne sait pas trop d'où vient le mot qui
apparaît en 1587 dans le Livre Populaire. Peut-être construit
autour du nom de sa victime, il pourrait signifier Me Faust
Ophilès = non profitable à Faust. Rien n'est moins sûr.

L'adjectif méphistophélique n'est pas très usité (d'abord, il est
très long et ne s'abrège pas), mais son sens est proche de
machiavélique, comme sa sonorité. Ça se rapporte essentiellement à
un noir dessein, très astucieusement mis en oeuvre, qui réduit
imparablement sa victime, une fois qu'il s'est mis en branle.

Le diable a bien d'autres noms propres, souvent plus proche de la
terreur religieuse qu'il doit inspirer que du charme mondain de
Méphisto.

Satan, le plus connu est aussi le plus proche de l'Enfer. Il
renvoie plus à une réelle idée du diable que Méphisto, et
"satanique" est encore un adjectif qui fait peur, sent le soufre
et le lexique théologique ou occulte. Etymologiquement, il vient
d'un vocable hébreu qui signifie "l'ennemi".

Lucifer (porteur de lumière), se comprend à la lumière de la
légende biblique des anges déchus : le chef des rebelles était
bien sûr au départ le plus lumineux (= Prince des ténèbres).

Belzébuth est mystérieux (Dieu des mouches ou de la souillure).
Mais le sobriquet le plus intéressant du diable est bien le
Malin. Bien sûr, on aura beau jeu de vous dire que cela signifie
le Mauvais, le Méchant. Mais l'idée du Rusé, de l'Astucieux est au
moins présente. Ça n'est pas la première andouille venue qui
pouvait inventer le coup de la Pomme.