BOULEDOGUES & PITBULLS
Par: (pas credité)
Le mot et l'animal sont sinon à la mode, du moins largement glosés
par l'actualité. Les pitbulls sont réputés féroces attaquants ; en
avoir vous pose et vous expose d'ailleurs aux rigueurs de la loi,
si vous maîtrisez mal cette dangereuse arme à pattes. On garde en
français le nom anglais de la race, comme c'est le cas pour bien
d'autres : teckel, fox, pointer, boxer, setter, cocker...
Mot à mot, le pitbull ne renvoie d'ailleurs pas à un chien, mais
à un taureau : bull = taureau, qu'on trouve déjà dans d'autres
noms de race de chiens costauds et patibulaires : le bulldog est
un chien-taureau, soit qu'on se souvienne qu'il gardait
efficacement les troupeaux de bovidés, soit que son cou puissant
évoque celui du taureau - les deux origines sont probablement
vraies toutes les deux.
Voici beau temps que ce bulldog a traversé la Manche, prenant au
passage une orthographe plus française : bouledogue, et frôlant du
même coup un troisième à peu près étymologique : le bouledogue
évoque la boule. Ce mot accrédite donc l'image d'un aboyeur peu
aimable, et s'applique facilement à l'être humain : un bouledogue
est un homme hargneux. (Bien que son aspect court sur pattes,
agressif et bruyant lui ait valu une autre fonction : au début du
siècle : un bouledogue était un pistolet à canon court, qu'on
appelait aussi un aboyeur).
Pourtant, c'est surtout la deuxième partie du mot dogue qui
concentre ces sémantismes depuis la Renaissance. Le mot semble
moins fréquent aujourd'hui, mais on le retrouve dans l'expression
"être d'une humeur de dogue", qui signifie non seulement qu'on est
de mauvaise humeur, mais qu'on le montre. C'est synonyme de
"n'être pas à prendre avec des pincettes".
L'hostilité du chien se retrouve surtout dans sa fonction de
gardien des biens de son maître, et, par conséquent, de sa porte.
L'expression "chien de garde" doit beaucoup à Nizan dans son
utilisation politique. Mais cette image, expressive,
(intellectuels : chiens de garde de la bourgeoisie) prouve bien
qu'elle était déjà prête à l'emploi dans les années 30.
Enfin, le "Cerbère" représente l'image traditionnelle et
mythologique du gardien cruel et intraitable, et s'emploie
aujourd'hui à propos d'un portier (ou d'un concierge), qui a toute
latitude de filtrer les entrées.