SOCIALEMENT CORRECT

Par: (pas credité)


Gros dossier récent, selon le journal Le Monde, consacré au "socialement
correct".
Les crises sont profitables au langage qu'elles font bouger :
"Il y a donc eu plus de mouvement dans le vocabulaire
social les 10 dernières années qu'en 100 ans".

Mais bien sûr, on a une floraison d'euphémismes pour cacher ou
minimiser cette crise, pour ne pas faire trop peur. Ces
euphémismes jouent souvent sur l'ambiguïté entre la nécessaire
mutation du travail et la tentation d'exploiter les plus
défavorisés à la faveur de cette mutation.

Dans ce jargon d'attrape-nigaud, l'employabilité semble avoir en
ce moment la première place.
Employabilité = capacité d'insertion professionnelle.
En fait ça renvoie à une exigence de formation permanente, en
particulier à toutes les terminologies nouvelles, sorte de néo
darwinisme social, qui pénalise ceux qui ne peuvent pas se former.

Ce nouveau vocabulaire suit en général deux tendances principales :
- il transforme le négatif en positif
- il privilégie des termes abstraits, techniques qui en imposent
plus, qui donnent l'impression que la crise est pensée,
conceptualisée donc gérée, maîtrisée plus que subie.

Certaines évolutions sont exemplaires :
- licenciements, plan social, restructuration.
Plus complexe :
- Gestion par objectif (référence apparente : l'intérêt patronal)
- Gestion prévisionnelle de l'emploi.
Reconfiguration
Gestion des compétences. Référence apparente : l'intérêt des
travailleurs.

On a fait du chemin depuis le modèle de départ qui consiste à ne
pas parler des problèmes du chômage mais des perspectives de
l'emploi.
Pourtant, comme la crise dure, on assiste à une nouvelle
évolution, en retour de manivelle : le technocratique fait trop
peur ; il est trop louche. Soit ! on va le remplacer par un
vocabulaire aussi flou, mais beaucoup plus quotidien et familier.

Ainsi la flexibilité a mauvaise presse ? Autant parler de
souplesse. L'annualisation est suspecte ? Parlons de modulation,
d'aménagement du temps de travail. Ce qui, toujours d'après le
dossier du Monde, pose des problèmes presque insolubles aux
traducteurs, lors des échanges européens.