ARBITRE

Par: (pas credité)


L'un des mots du vocabulaire politique qu'on a beaucoup entendu cette semaine, c'est arbitre et son cousin arbitrage, puisque c'est en arbitre que veut se poser le Front national, pour peser sur l'élection d'un certain nombre de présidents de région. Que veulent dire dans ce cas-là les mots arbitre et arbitrer ? Décider, tout simplement, ou en tout cas, avoir une influence suffisante pour imposer ses conditions, et déterminer le résultat final de certaines élections.

Cet emploi du mot dérive en fait de certains emplois du mot arbitrage, ou du verbe arbitrer. Il s'agit de trancher un différend, de décider, là où deux adversaires s'opposent, sans que l'un l'emporte réellement sur l'autre par la force où le droit. Mais on peut quand même parler d'une dérive de sens, dans la mesure où l'arbitrage, au départ, implique un jugement dépassionné, et impartial, par quelqu'un qui se situe au-dessus de la mêlée : l'arbitre, c'est Salomon, le vrai juge. Sans aller si loin, on parle par exemple de l'arbitrage de la Cour de justice européenne, pour régler des conflits économiques entre certains pays, de l'arbitrage de la Cour de justice européenne, pour régler des conflits économiques entre certains pays, de l'arbitrage d'un juge, dans une querelle de voisinage… Alors que dans le cas qui nous occupe, le Front national " arbitrera " en fonction de ses intérêts propres.

Le mot arbitre a, de toute façon, en ancien français le premier sens d'autorité qui fait respecter sa décision et observer la loi. De là dérive directement le sens sportif, apparu à l'extrême fin du XIXème : arbitrer : veiller à ce qu'une partie, un match se déroule conformément aux règlements acceptés au départ par les deux équipes. L'arbitre, si ses décisions sont sans appel, se doit d'être absolument impartial, sans parti pris et sans intérêt dans l'affaire : on est presque à l'inverse de l'usage électoral qu'on constate aujourd'hui.

Mais de toute façon, ce mot est bien étonnant : d'un côté, il a donné naissance à l'expression libre-arbitre : faculté de se déterminer librement, sans contrainte, ni influence extérieure. De l'autre, il a donné arbitraire, dont la signification a fini (à partir du début du XVIIème siècle) par devenir contraire à son origine. Une décision arbitraire est une décision que rien ne justifie, qui découle du caprice plus que de la raison. L'adjectif s'applique en particulier à un pouvoir qui s'exerce pour son seul plaisir, et l'arbitraire (le mot s'emploie souvent sous une forme substantivée) est le fait du despote, le "fait du prince", comme on dit. Alors qu'au départ, un arbitrage est censé dire le droit et rendre justice, l'arbitraire est devenu synonyme d'injuste.