IN

Par: (pas credité)


In and out : c'est le titre d'un film sorti récemment, et dont le
titre, comme c'est le cas très fréquemment de nos jours, n'a pas
été traduit en français. Ou plutôt adapté, dans la mesure où une
traduction littérale de cette expression n'aurait rien donné
(dedans et dehors ?). Il s'agit en l'occurrence d'un jeu de mot
difficilement traduisible et vaguement grivois, et qui fait
allusion aux homosexuels qui "sortent du placard", c'est-à-dire
assument leur choix au grand jour (they "come out"). Ca montre
bien en tout cas que même si ce titre est tout à fait opaque pour
les français qui n'ont pas vu le film, ces deux prépositions
anglaises, in et out, nous sont familières.

L'emploi de in, en français (franglais ?) n'est pas récent, et le
mot a même fonctionné comme un adjectif : "Elle est très "in" avec
ses bottes vertes et sa jupe écossaise". In était synonyme de
"dans le vent", à la mode, branché. Mais l'expression date un peu
: elle n'est plus très "in", justement même si elle est encore
comprise, donc pas totalement obsolète : elle a connu son heure de
gloire dans les années 70.

Pourtant l'anglicisme "in" est encore utilisé dans certains
emplois, peut-être limités et un peu jargonnants, mais bien
actuels. Dans le vocabulaire des spectacles, par exemple, et
notamment des festivals. A Avignon, la programmation officielle se
distingue de la grande masse de spectacles montés de manière
privée, et présentés dans la ville ou ses environs, dans l'écho du
festival, pour faire de la cité des Papes la capitale mondiale du
théâtre pendant une quinzaine du mois de Juillet : c'est ce qu'on
appelle le "off" qui s'oppose au "in". Et le "in", parfois, est
moins intéressant que le "off". Jargon un peu snob, mais assez
largement répandu, grâce aux médias et qui s'est étendu à d'autres
situations analogues. En fait, cet effet de mode linguistique a sa
justification dans la mesure où il permet de désigner précisément
une certaine pratique culturelle : certaines grandes
manifestations culturelles suscitent tout un sillage de
manifestations associées, et qui profitent de ce coup de
projecteur. L'étonnant est que in soit opposé à off, alors qu'en
anglais, l'opposition se situe plutôt entre "on" et "off" : ainsi
dans l'expression américaine qui est à l'origine de notre
anglicisme, on dit, pour désigner le tout petit quartier
historique des théâtres de New-York, on Broadway, et autour, off
Broadway, et même, un peu plus loin, off Broadway.

Maintenant ne négligeons pas le fait que la préposition "in" est
particulièrement polyglotte : sa présence en anglais dérive du
latin, et c'est son origine latine qui se fait le plus sentir en
français. Mais là, on ne l'utilise pas isolée : plutôt en
composition, dans des expressions à l'origine savantes, mais dont
certaines sont très courantes dans le français d'aujourd'hui.

In extremis, par exemple, dont la latinité se fait à peine
sentir... A l'origine, ça voulait dire "à l'article de la mort"
( = dans les derniers moments), mais maintenant, on l'utilise dans
le sens de "au tout dernier moment", "de justesse"... (c'était
moins une, ça a failli rater...)

In extenso = intégralement, sans coupure, sans censure (un opéra
de Wagner retransmis in extenso)

In situ appartient au vocabulaire scientifique, et s'oppose à in
vitro : dans son milieu naturel, opposé à en laboratoire. On peut
aussi citer in vivo, sur des organismes vivants. (In situ a
parfois une utilisation dérivée et vivante).

Terminons avec deux souvenirs d'église.
- le premier est un souvenir lointain : in pace : cachots des
coupables scandaleux dans les couvents (vient de "vade in pace" -
prononcé à la latine : "patché".
- le deuxième est rigolo : in partibus. Le Pape avait l'habitude
de nommer des évêques dans les régions du monde non christianisées
(la religion catholique ayant pour vocation d'être universelle),
donc dans des régions sans fidèles, total, l'évêque reste à la
maison. Aujourd'hui, ça désigne quelqu'un qui peut se parer d'un
titre sans en exercer les fonctions : il est Directeur technique
"in partibus".