URBI, ORBI ET COMPAGNIE

Par: (pas credité)


Pour Pâques, il est de tradition que le Pape prononce de son balcon une
bénédiction urbi et orbi, c'est-à-dire destinée à la ville (Rome en
l'occurrence), et à tout l'univers. Voilà le sens de ces deux mots latins.
L'expression sonne si bien qu'on l'emploie parfois dans un contexte
beaucoup moins liturgique : Jojo les yeux bleus a fait savoir " urbi et
orbi " qu'il était fâché avec Suzie, c'est-à-dire qu'il l'a publié à tous
les échos. L'expression est comprise ; on ne peut pas dire qu'elle soit
encore très courante.

D'ailleurs, signe des temps, on trouve de moins en moins d'expressions
latines dérivées de la liturgie qui soient courantes ou même simplement
comprises dans le français d'aujourd'hui.

La plus courante est probablement " vade retro, Satana " : arrière Satan.
Employée au figuré, la phrase reste encore assez proche de son sens évangélique.
C'est dans l'Evangile qu'on trouve cette exclamation superbe, et par deux fois
encore : dans Matthieu, IV, 10, Jésus au désert repousse le Tentateur et la
tentation. Et dans Marc, VIII, 33, c'est ce qu'il dit pour repousser
Pierre, qui se permettait de lui donner un conseil contraire aux desseins
de Dieu… On remarquera quand même que la langue française, quand elle
intègre des phrases latines, s'accroche plus à l'esprit qu'à la lettre,
puisque dans la Vulgate, on ne trouve que ces deux phrases : Vade, Satana
et Vade retro me, Satana, qui ne sont jamais citées textuellement. Par
contre, on prendra garde de ne pas passer pour un cuistre ignare en citant,
comme c'est trop souvent le cas (j'en sais quelque chose) Vade retro,
Satanas ! Pas de " S ", malheureux : Satana, tout simplement.

Un mot maintenant de la vanité : " Vanitas vanitatum, et omnia vanitas " :
mot de Salomon, dans l'Ecclésiaste, qui déplore le vide séducteur du monde,
parfois cité en français : vanités des vanités. Il faut se rappeler que
ces citations moralisatrices étaient bien plus fréquentes à une époque où
la religion catholique était probablement plus vivace en France, où la
culture était liée aux humanités, c'est-à-dire à la connaissance du latin,
et où la messe était inconcevable autrement qu'en latin. En parsemant son
discours de ces quelques mots, on imitait donc le prêtre en chaire. C'est
ce qui explique que la prononciation de ces citations latines se fasse à
l'ancienne, sans tenir compte de ce qu'on appelle la prononciation
restituée : non pas exactement tel qu'on le prononçait à l'église, mais tel
qu'on le prononçait, dans le temps, à l'école. Nul ne dirait Ouadé rétro…
ni Ouanitas ouanitatoum…

Et s'il reste une minute, on terminera par une morale plus laïque et
parfois épicurienne, avec errare humanum est (encore à cheval sur la
religion), tempus fugit et carpe diem qui reprend du poil de la bête, Dieu
sait pourquoi.