ÉDIT, ORDONNANCE, DÉCRET
Par: (pas credité)
L'Edit de Nantes fête ses quatre cents ans. Ce grand fait de l'Histoire
juridique française est aussi célèbre pour l'esprit de tolérance qu'il
représente, et la lassitude du sang versé qu'il évoque, que pour sa
misérable Révocation, moins d'un siècle plus tard, par un monarque abusé
qui voulait plaire à une bigote… L'Edit de Nantes, signé par Henri IV,
déclaré " perpétuel et irrévocable ", prévoyait l'amnistie et le libre
exercice de la Religion réformée et l'égalité de traitement.
L'Edit est un héritage de Rome : en droit romain, c'est une proclamation
solennelle (du latin ex-dicere) d'un magistrat.
Les édits les plus importants étaient pris pour les prêteurs et les
gouverneurs des provinces. Quand ils prenaient leurs charges (d'une durée
d'un an pour les prêteurs à l'origine) ils promulguaient leur édit dans
lequel ils indiquaient les conditions dans lesquelles ils accorderaient une
action en justice et joignaient à leur promesse la formule de l'action
envisagée. Ainsi, chacun pouvait savoir par avance dans quelles conditions
il pourrait porter plainte et être protégé dans la défense de ses droits.
Le nouveau prêteur n'était pas tenu par les édits de son prédécesseur mais,
en général, ils les reprenaient et y ajoutaient les siens en fonction des
besoins nouveaux qui apparaissaient. C'est une source principale de
création du droit romain.
Le prêteur (ou le gouverneur) n'était pas tenu par sa propre promesse, il
pouvait donc ne pas appliquer son édit. C'est ce que Cicéron reproche au
gouverneur de Sicile Verrès, dans le procès que lui intentent les habitants
de la Province. Cet aspect discrétionnaire de l'édit fut limité avec le
temps.
Mais on voit bien que le mot a dès l'origine un parfum d'arbitraire, de
décision personnelle, voire capricieuse. L'Edit de Nantes est donc un cas à
part, dans la mesure où il permet, là où, ordinairement un édit interdit.
A l'époque de la monarchie française l'édit est un acte législatif émanant
du roi de France sous forme de lettres patentes, scellées du sceau de cire
verte, cire traditionnellement employée pour les actes devant avoir un
effet prolongé.
Contrairement aux ordonnances qui portent toutes, une série de dispositions
sur des questions différentes et s'appliquent toujours à l'ensemble du
Royaume, l'édit porte sur un point particulier ou ne s'applique qu'à un
territoire ou un groupe donné. On peut comparer l'Edit de Nantes (ou sa
révocation qui est aussi un édit) et l'ordonnance de Villers-Cotterets. Le
premier concerne justement les Protestants. Outre le fait qu'il autorise
les calvinistes à pratiquer leur culte, il leur reconnaît aussi le statut
de groupe organisé (l'Edit de Nantes s'applique donc bien à un groupe
donné). La seconde s'applique à tout le territoire français et porte sur un
problème général (la langue employée dans les actes officiels).
Les ordonnances, à partir de François 1er, portent la mention " car tel est
mon bon plaisir ", formule qui, paradoxalement veut signifier que le roi
prend ces mesures en vue du Bien public (et non par caprice).
Dans notre actuelle constitution, l'ordonnance, qui remplace le décret-loi
en vigueur sous la IIIème République, est explicitée dans l'article 38. Il
stipule que " le gouvernement peut, pour l'exécution de son programme,
demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un
délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ". En
clair, cela revient à donner au gouvernement le droit de prendre des
mesures qui, normalement doivent être votées par le Parlement pour avoir
force de loi. L'article ajoute toutefois qu'elles " deviennent caduques si
le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le parlement avant
la date fixée par la loi d'habilitation. La procédure n'a qu'un seul but :
permettre au gouvernement d'éviter un débat parlementaire long et difficile
(navette Assemblée/Sénat) et de mettre en œuvre en urgence son programme,
puis de la faire ratifier par les assemblées après coup.
Le Décret est un acte émanant de l'exécutif et dont la nature est telle
qu'il n'a pas besoin d'être voté par les assemblées, en fonction de la
constitution. (Par exemple la nomination de certains hauts-fonctionnaires
est prise par décret).
Sous la IIIème République, on appelait décret-loi un décret pris par
l'exécutif qui aurait du faire l'objet d'une loi votée par les assemblées
pour faire passer une mesure. Cela ressemblait aux ordonnances actuelles.
La différence est que le gouvernement n'avait pas besoin de faire voter une
loi par la suite : le décret devenait aussitôt une " loi ". Exceptionnelle
au début de la IIIème République, cette pratique s'était généralisée. Son
impopularité a fait disparaître le mot.