ANNÉE
Par: (pas credité)
C'est l'année Sissi ! Et l'avantage, avec l'année Sissi, c'est qu'elle nous
permet de faire une émission sur " année ". Chère Sissi ! Depuis l'année
Beethoven - on s'en souviendra de l'année Beethoven - on a pris l'habitude
de vouer nos années à un personnage particulièrement marquant (Sissi) dont
la mémoire, douce et exigeante, hantera douze mois qui eussent été bien
ternes sans le rappel d'une figure lumineuse. La formation linguistique est
intéressante, avec ce nom propre qui sert d'apposition - bien plus
séduisante que si l'on utilise l'article, ce qui se fait aussi quand il ne
s'agit pas du nom d'un personnage : année du Japon (Japon est bien un nom
propre, mais on dit le Japon), année de la femme, de l'enfance, de la
liberté de la presse, etc.
Cette utilisation de l'apposition se trouve également pour désigner non
plus une seule année, mais plusieurs : une époque, une période : les années
twist (titre d'une comédie musicale), les années Mitterrand, etc. Cela
renvoie en général à un souvenir collectif, parfois vaguement nostalgique,
et souligne le style d'une époque à travers un accessoire, une
particularité qui la symbolise (et ça va de la figure d'un Président de la
République à la Dauphine rose qui représente les années twist sur
l'affiche)…
D'ailleurs, tout le vingtième siècle a ainsi été découpé en années, et plus
encore en décennies, depuis les années 20 jusqu'aux années 90. Des
exceptions ? Peut-être, mais elles s'expliquent : pour la première
décennie, on ne parle pas des années 00, mais on a une expression
spécifique : la Belle Epoque, souvent critiquée de façon cinglante du fait
que cette période, si elle a effectivement bercé une bourgeoisie hédoniste
et quelques artistes novateurs, est l'une des pires du point de vue de la
condition ouvrière.
On parle parfois, mais peu, des années 10. En effet, coupée par la Grande
Guerre, cette décennie n'a pas d'unité, et les années 10 ne vont réellement
que jusqu'en 14. On retrouve un phénomène similaire avec les années 40.
L'expression existe mais renvoie plutôt à la période 45-50 qu'à la période
de l'occupation. En revanche, l'entre-deux-guerres se prête à ce type de
dénomination : années 20 et années 30, avec en plus les années folles qu'on
a davantage tendance à situer dans les années 25 : garçonnes, Coupoles et
Charleston.
Les puristes vont sourciller : j'ai bien dit les années 25, et d'aucuns
prétendent que cette tournure ne doit s'employer que pour les années toutes
rondes, éponymes de la décennies qu'elles inaugurent. Remarquons, en ces
temps trentenaires, qu'on parle beaucoup des années 68 avec une certaine
logique, dans la mesure où mai 68, en quelques semaines a représenté une
brisure dans l'histoire des mentalités d'après-guerre, et que tous les
comportements et les attitudes culturelles se sont situés dans l'écho de
cet ébranlement.
Cf. aussi la mode du ot et du concept génération.