PRÉVARICATION, CONCUSSION ET LEURS AMIS

Par: (pas credité)


Un certain nombre d'affaires font en ce moment le bonheur des journalistes, et mettent en cause des hommes ou des femmes publics qui se sont laissé tenter par les facilités que leur offraient leur position. On parle donc abondamment de prévarication. Pourtant, si ce mot savant revient souvent, ce n'est pas celui qu'on entend le plus, parce qu'il ne destine pas techniquement un chef d'accusation : on n'est pas mis en examen pour prévarication, mais en général pour abus ou recel d'abus de biens sociaux. L'étymologie est amusante : " prevaricare " signifie en latin marcher de travers, et tout spécialement dévier quand on laboure, ne pas savoir tracer un sillon droit. De là, le mot est passé dans un sens religieux : ne pas respecter les Ecrits sacrés, transgresser la loi religieuse, puis juridique, avec une acception particulière : se mettre d'accord en secret avec la partie adverse, lors d'un procès. Il s'agit donc soit d'un avocat qui fait semblant de défendre les intérêts de son client, mais qui, payé par l'autre, ne cherche qu'à perdre l'affaire, soit d'un juge acheté, qui rendra sa décision en faveur du plaideur le plus généreux. Aujourd'hui, le mot, quand il s'utilise est pris dans un sens plus général : la prévarication est le fait de profiter de sa situation professionnelle ou sociale (élu, haut fonctionnaire… pour assurer son enrichissement personnel). Et ça peut aller du " délit d'initiés " - utiliser sa connaissance de certaines décisions économiques encore secrètes pour spéculer à la Bourse - à l'abus de " biens sociaux ". L'expression abus de biens sociaux, malgré son caractère administratif, est assez claire : on profite de biens (en termes de services - le travail du jardinier, ou d'objets concrets, ou tout simplement de finances, billets d'avion, salaires fictifs, carte bleue magique…) pour améliorer sa vie privée et celle de ses amis.

La concussion est une exaction d'un autre ordre, et le mot n'est plus jamais employé pour ainsi dire dans le vocabulaire juridique moderne. Il s'agit simplement d'une extorsion de fonds, de la part de quelqu'un de la part de quelqu'un qui utilise sa position de force pour l'exiger un soldat en particulier. La pratique est hélas encore courante, notamment dans des régimes militaires, ou bien en pays conquis, mais le mot vieillit. En revanche, une certaine concussion, propre aux forces de police, fleurit dans la fiction (et dans la réalité ?) française, avec un mot familier passé dans le lexique avec un sens assez précis : les ripoux. Ce retournement, dû à la pratique du verlan du participe pourri doit sa célébrité à un film de Claude Zidi qui met en scène deux policiers à la fois corrompus et sympathiques, qui profitent de leur situation, mais ont gardé un fond d'honnêteté, et savent se battre pour la bonne cause. C'est du cinéma. Toujours est-il que l'adjectif ripoux -avec sa finale en x qui fait si français- est parfaitement intégré dans la langue, au moins journalistique.