DÉJEUNER, PETIT DÉJEUNER ET DINER

Par: (pas credité)


On fait aujourd'hui des salons avec tout. Un exemple récent : le salon dit "du p'tit déj' et des pauses gourmandes". De céréales en bifidus vanille, je ne sais pas exactement ce qu'on y voit, mais ça prouve d'abord qu'on peut faire de l'argent avec tout, et ensuite que cette abréviation est suffisamment bien comprise pour qu'on puisse l'utiliser à des fins publicitaires. Elle est encore assez récente et "branchée" ("Employez-vous l'expression petit déj'?" fait partie d'un questionnaire destiné aux adultes sur le thème "Parlez-vous comme vos enfants ?").

Le mot déjeuner, verbe ou nom, est très ancien. Si on sait l'entendre d'ailleurs, il nous livre lui-même le secret de son étymologie : le déjeuner, c'est la rupture du jeûne. Donc, très naturellement, il a commencé par désigner le premier repas de la journée, celui qu'on fait le matin au réveil. Et en ancien français, il se conjuguait comme suit : je desjune, tu desjunes, il desjune, nous disnons, vous disnez, ils desjunent. Du même coup, on a compris que les deux mots : déjeuner et dîner ont la même origine. Pourtant, le sens des deux vocables est différent : le dîner est toujours situé après le déjeuner. Après, mais quand ? La variable est importante, encore maintenant.

Si l'on considère trois repas dans la journée, il est un usage qui fut assez répandu en France, et qui l'est encore à la campagne, de façon parfaitement courante : on déjeune, on dîne, et on soupe (matin, midi et soir). Mais à Paris depuis la moitié du XIXème siècle, et aujourd'hui dans un parler "urbain", on a supprimé le souper, décalé les deux autres dénominations, et rajouté le petit déjeuner. On a donc petit déjeuner, déjeuner et dîner. C'est l'un des cas où l'on distingue assez bien le rural et l'urbain ; j'entends "urbain" au sens large puisque dans les hôtels, on parle toujours de petit déjeuner. On distingue d'ailleurs parfois le petit déjeuner dit continental (café, croissants...) de ce qu'on appelle parfois à l'anglaise le breakfast (oeufs au bacon & Co).

Pour les enfants, dont il faut assurer la croissance, on rajoute un quatrième repas, le goûter dit parfois "le quatre heures" (enfantin ou familier). Mais c'est toujours moins "béta" que la pause gourmande dont il était question dans le salon de l'Espace Champerret. Et si l'on a vraiment faim en milieu de matinée, qu'on se lève très tôt et qu'on veut se restaurer un peu, pourquoi pas un casse-croûte, sympathique et populaire.

Quant au souper, il n'est pas totalement abandonné, mais presque. Pourtant, dans l'usage mondain de la première moitié du siècle, il désignait le repas très tardif qu'on prenait après le spectacle.