OS

Par: (pas credité)


Il y a un os ! La formule n'est peut-être pas très élégante mais je l'ai
entendue à propos des déboires de Philippe Séguin qui a bien du mal, en ce
moment, à prendre sur le RPR l'ascendant qu'il souhaiterait, en particulier
à cause de ses idées sur l'Europe qui cadrent mal avec celles du Président
de la République.

Il y a un os, c'est-à-dire, il y a un problème. Pour familière qu'elle
soit, l'expression n'est pas récente, et même un peu désuète. Ça ferait
plutôt années 60. On dirait plus volontiers aujourd'hui : " Il n'y a pas de
lézard ! ". Est-ce l'image du mou qui prévaut ? En tout cas " il y a un os
" se comprenait comme une référence à une mastication imaginaire. C'est
l'équivalent de " il s'est cassé les dents ". Fantasme d'échec
admirablement illustré par cette chanson de Ray Ventura qui date des années
30 : " J'aime pas les noisettes, ça fait mal aux dents / J'aime pas les
bananes parce qu'il n'y a pas d'os dedans ".

Si cet élément du squelette, qui dérive en droite ligne du latin ossum, est
invariable à l'écrit, à cause de son " s " final, il n'en va pas de même à
l'oral. Au singulier, pas de problème : le " o " est ouvert et le " s " se
prononce : un os rime avec une bosse, une cosse et une rosse (pas avec une
fosse - allez savoir pourquoi !).

Mais au pluriel, ça se corse. Il y a bien pourtant une prononciation
courante : " ô ". Les os cassants se prononcent comme les eaux usées. Mais
parfois, on peut entendre la prononciation " osse ", comme en témoigne par
exemple l'expression familière (encore une) un sac d'os, qui désigne
quelqu'un de très maigre.

L'os est souvent employé métaphoriquement, avec des significations assez
différentes. Son image renvoie à l'intérieur du corps, et il peut ainsi
servir d'intensif plaisant à certaines expressions : être mouillé, trempé,
transi, glacé (d'effroi) jusqu'aux os. On voit que cette ironie ne va pas
avec tout : on ne dira pas : " j'ai été ému jusqu'aux os ". Au singulier,
" jusqu'à l'os " est un intensif somme toute assez vulgaire qui ne correspond
qu'à une idée : se faire avoir jusqu'à l'os (cf jusqu'au trognon). Plus
vulgaire encore, " tu l'as dans l'os ", où la métaphore sodomite perce
ingénument.

A force d'évoquer l'intériorité, on finit par atteindre la vie même. C'est
le cas avec l'expression ne pas faire de vieux os : au sens propre mourir -
par un retournement ou tout au moins une utilisation détournée de
l'imagerie qui associe les os et leurs dérivés (ossements, ossuaire…) au
squelette visible, donc à la mort. Au sens figuré, l'expression exprime
qu'on ne reste pas longtemps dans un endroit ou une situation. Synonyme de
ne pas s'éterniser.

Et, à mon avis, il vaut mieux terminer là-dessus que faire un sort à
l'expression " donner un os à ronger " = laisser un petit profit à
quelqu'un (vieux), lui donner quelque chose par compensation, pour tenter
de désamorcer une rébellion, et en particulier donne une information pour
en cacher une autre, pour désarmer l'impatience ou la curiosité d'un
journaliste ou d'un curieux, ou simplement de l'opinion.