PLUME
Par: (pas credité)
Oniropolis, toute nouvelle revue francophone, lance cet appel vibrant :
"A vos plumes !". Il ne s'agit pas d'un appel aux oiseaux, ni d'exhortation à
s'envoler. C'est bien d'écrire qu'il s'agit, et la plume, depuis longtemps
a été associée à l'écriture. A cause de la plume d'oie, bien sûr, ancêtre de
la sergent-major dont les jaillissements et les bavures hantèrent mon
enfance.
Par métonymie, la plume renvoie à l'écriture, au fait d'écrire. De là
certaines expressions :
- au fil de la plume = écrit sans effort, avec aisance, sans plan
préétabli, sans rature, correction, pimento ou retravail de style.
- vivre de sa plume = de ce qu'on écrit, pour un écrivain plus que pour un
journaliste.
Et par extension, la plume est le style : "Il a une bonne plume", "c'est
une bonne plume". On peut dire : "Dans le Républicain Lorrain, on peut
lire sous la plume de…". On est surtout dans le vocabulaire journalistique :
on parle de la plume de Pierre Georges, pas celle de Victor Hugo.
De même, si l'on dit : "Il trempe sa plume dans du fiel, du poison, du
vitriol", cela renvoie davantage à des journalistes, ou des polémistes,
qu'à des écrivains dont le souci est purement littéraire. Ces expressions
sont un peu vieillies et font plutôt penser à une époque où le débat
d'idées se faisait essentiellement par écrit. L'audiovisuel a tendance à
rendre tout ça caduc.
Par contre, plumitif, péjoratif et un peu ancien, désigne plus souvent un
mauvais écrivain qu'un mauvais journaliste. Le mot, au départ, n'était pas
péjoratif : il s'agissait d'un greffier, d'un employé aux écritures.
Revenons à l'objet lui-même qui nous sert à écrire : après la plume d'oie
et celle d'acier, on a eu le porte-plume, puis le stylo (à) plume. La
tendance actuelle étant aux appositions juxtaposées (sac-poubelle,
poche-plastique…), la préposition tend à disparaître. Au départ, le stylo,
abréviation de stylographe, était forcément à plume. Puis vint la
concurrence : le stylo (à) bille qui aurait pu, pour faire pièce à
l'apocope stylo, choisir l'aphérèse bille résista à cette tentation. En
revanche, il faut signaler une manière d'aphérèse dévoyée : bic, au départ
marque déposée : la pointe bic est devenue le stylo bic, puis le bic. Et
aujourd'hui, chez les jeunes, le "bic" s'oppose au "plume". Le mot
plume persiste donc dans un emploi assez courant, mais au masculin, et
senti comme un abrègement.
Et de plus en plus, on désigne l'outil par sa pointe : un plume n'est pas
un feutre.