ON TIENT A SON "CUMUL"

Par: (pas credité)


La préparation de la loi sur le cumul des mandats exécutifs donne lieu à
quelques exercices de mauvaise foi parfois assez comiques de la part de
ceux à qui on voudrait rogner quelques privilèges. Rien là-dedans que de
très humain ; j'en parle à mon aise, moi qui ai si peu de responsabilité
dans la vie publique. Si j'étais impliqué, ce serait une autre chanson.

En tous cas, chez les cumulards, on résiste. Avec des attitudes qui sont
souvent décrites de façon un peu semblable : la résistance, par exemple
s'exprime facilement avec des verbes qui commencent par le préfixe RE qui
n'évoque pas seulement la répétition, mais l'intention très marquée (alors
même d'ailleurs que les verbes ne peuvent exister sans les préfixes : on
dit résister, on ne dit pas sister).

En tous cas, les députés-maires, etc. sont réticents. C'est-à-dire, au sens
propre, qu'ils pensent plus qu'ils ne disent. La réticence est au départ un
procédé rhétorique qui consiste à arrêter en route son discours, tout en
laissant entendre ce qu'on ne dit pas. Mais ce sens étymologique est
quasiment oublié aujourd'hui, où la réticence implique seulement la
mauvaise volonté de celui qui, sans refuser frontalement, fait tout ce
qu'il peut pour ne pas suivre une injonction : il rechigne.

Rechigner, c'est tordre la bouche, montrer les dents en grinçant, en
grimaçant. Le mot s'applique encore étymologiquement aux êtres humains,
mais l'animalité n'est pas loin.

Et elle apparaît surtout avec des images qui mettent en scène des animaux
de trait ou de selle qui ne sont pas toujours chauds pour faire ce qu'on
attend d'eux. Ils n'ont pas la parole mais ils ont le geste.

Ils sont récalcitrants (ils récalcitrent : le verbe existe, même s'il est
inusité, sinon par plaisanterie, comme s'il était néologisme) - ils
repoussent du talon (calx = talon en latin), et en fin de compte, ruent.

C'est la même image avec regimber, ruer, en parlant notamment d'un cheval
éperonné sans avoir grande envie de l'être.

Ou bien freiner des quatre fers - il s'agit bien sûr des fers à cheval, et
l'image est parlante : il faut tirer ou pousser la bête si l'on veut
espérer qu'elle bouge : elle traîne des pieds. Là encore, on a une locution
voisine, moins liée pourtant au monde animal, mais qui montre bien qu'on
avance malgré soi, en se faisant prier, en maugréant, en cherchant des
prétextes pour ne pas y aller. Plus expressif encore : on y va à reculons.

Ou encore : on se fait tirer l'oreille. L'expression a glissé. Au départ,
il s'agit plutôt d'une sanction : on se fait tirer, non pas l'oreille mais
les oreilles, quand on a mal fait. C'est l'image du mauvais écolier avec
une brimade qui hésite entre le symbole et le sévice… Mais, de fil en
aiguille, on se fait tirer l'oreille quand on se fait prier ou même
sermonner pour faire quelque chose.