ABOI, CLABAUDAGE, CLATISSEMENT
Par: (pas credité)
Qui serait aujourd'hui à Helsinki - l'une des patries du soleil de minuit - entendrait à coup sûr clabauder, clatir et japper d'importance. Belle Evelyne, je ne vous le cacherai pas plus longtemps, c'est en ce lieu septentrional qu'on a décidé de se réunir (hasard, instinct, complot ?) 15 000 chiens (quinze mille - je précise en toutes lettres comme sur les chèques) de races diverses qui vont tenir congrès (blague dans le coin, c'est une exposition canine). Comment donc résister plus longtemps à la tentation d'explorer l'exquis lexique (avez-vous noté l'anagramme phonologique ?) d'une expression orale à l'ambitus large et aux nuances variées.
Commençons avec un rappel de notions simples : le chien (tous les chiens) aboie(nt). Comme on pouvait s'y attendre, ce terme générique est une onomatopée, on y entend clairement le ouah ouah qui sous-jace. De même, et c'était à prévoir, le verbe est passé dans le vocabulaire des humains, tout en gardant de façon péjorative le souvenir de son animalité : aboyer, c'est crier, protester bruyamment, prendre un ton revêche, brusque, agressif : aboyer un ordre ou une injure.
Autre verbe expressif : hurler qui a également une origine onomatopéique (à rapprocher de hululer, etc.), et qui, au départ, s'applique au chien aussi bien qu'au loup, puis à l'homme. L'idée est davantage celle d'un cri prolongé, et même quand il s'agit des humains, il peut rester dans l'infra-verbal : on hurle une insulte, mais on hurle aussi de douleur, sans phrase et sans mot.
On est encore chez les chiens, lorsqu'on gronde et qu'on grogne (le premier verbe est né chez les chiens, le second chez les cochons). L'onomatopée, là encore, est évidente, mais différente, plus sourde, plus menaçante, comme un prélude à l'action violente. Et ces deux mots ont connu chez les hommes une fortune certaine.
Par contre, quelques autres n'ont jamais vraiment quitté la niche : japper par exemple, qui évoque un aboiement plus clair, plus aigu, plus jeune souvent et, en tout cas, plus joyeux.
Mais j'aimerais finir sur deux mots que l'usage moderne confine hélas dans une semi-retraite où ils se morfondent : clatir, mot assez technique qui rappelle la chasse à courre : clatir, c'est pousser des cris répétés pour annoncer que le gibier est pris ; et clabauder, qui viendrait de Clabaud, nom propre de chien jadis aussi fréquent qu'aujourd'hui Méder ou Mirza - qui signifie aboyer fort, d'où médire (dans une langue familière un peu jaunie). Mais aboyer fort, n'est-ce pas le propre du chien ? Et songeant à cela, je ne peux m'empêcher d'imaginer quelque relation probable, mais non certaine entre clabaud (d'origine vraisemblablement néerlandaise, clébard et clebs (de kalb, le chien de l'arabe classique), voire cabot, à l'origine si mystérieuse, qui viendrait peut-être du latin caput, sans que personne ait très bien compris comment une tête pouvait dégénérer en chien…