OCCASION/OPPORTUNITÉ

Par: (pas credité)


J'aime le sport, mais j'aime plus encore (si c'est possible) l'art du commentaire sportif. Et la Coupe du monde est un plaisir permanent à cet égard. Ainsi, bien souvent, durant les matches, on nous parle d'occasions de but, ou plus simplement d'occasions lorsqu'une possibilité de marquer s'est fait jour, mais qu'elle n'a pas été exploitée. En bref, la plupart du temps, une occasion est un but manqué, une action qui n'a pas abouti, une faille dans la défense adverse dont on n'a pas su profiter jusqu'au bout. Le mot est donc très souvent marqué au sceau du regret, alors que son sens de départ évoque une possibilité qu'on n'a pas recherchée, une circonstance qui vient à propos, qui est plus ou moins le fruit du hasard : en général, on ne préjuge pas de la suite des événements, et le mot est assez neutre. " J'avais eu l'occasion de rencontrer Gontrad chez des amis. C'était une occasion inespérée de lui parler de mon projet ". Mais occasion bascule souvent vers le familier, par exemple, avec l'abrègement occase, familier et plaisant. L'occase est soit une circonstance favorable comme occasion, soit un objet qu'on acquiert de façon avantageuse : la bonne occase (une maison, un livre rare, etc.).
Si bien qu'on comprend mieux cette curieuse évolution de sens qui oppose l'objet neuf à celui qui a déjà servi. D'occasion signifie donc de seconde main, et l'expression s'emploie à propos d'un objet qui s'use quand on s'en sert, donc qui est moins cher, à proportion de son usure.
Mais bien sûr, la grande discussion linguistique porte sur le mot opportunité, utilisé dans le sens d'occasion : " J'ai eu l'opportunité de faire un beau voyage en Asie, ou de changer d'emploi… ". En imitant l'anglais opportunity, on emploie le mot dans le sens d'occasion favorable, ce qui est contesté. Est-ce si condamnable ? D'abord le mot existe bel et bien en français : on parlera par exemple de l'opportunité d'une loi. Vient-elle au moment opportun, c'est-à-dire au meilleur moment ? Retenons-en en tout cas que l'opportunité est une bonne conjonction, ou un heureux hasard. L'origine du mot est d'ailleurs éclairante et amusante : le vent opportun est celui qui conduit au port (de ob et portus).
Il est donc naturel que l'occasion de but manqué ne soit pas qualifiée d'opportunité.