OUI
Par: (pas credité)
On le sait maintenant depuis une bonne semaine, les Portugais qui ont voté
n'ont pas voulu dépénaliser l'avortement. (Mais peu ont voté). Ils n'ont
pas dit oui. C'est la formule consacrée, lorsqu'il s'agit d'un référendum,
puisqu'à une question précise, les électeurs doivent répondre oui ou non.
Pourtant dire oui, c'est plus généralement une périphrase qui suppose un
couple et un maire : dire oui, c'est se marier. Et c'est parfois simplement
accepter, avaliser, ne pas s'opposer : le ministre a dit oui à la
construction d'un complexe culturel au-dessus du parking, etc.
Mais posons-nous quelques questions sur ce petit mot, son histoire et ses
suppléants. L'affaire est d'importance : c'est lui qui désigne notre langue
d'oïl, puisqu'au Moyen-Age, les deux fortes tendances linguistiques dans
ce qui est devenu la France étaient désignées par leur façon de dire oui :
la langue d'oc (occitan ; cf le mot Languedoc aujourd'hui, qui désigne une
région, qui a désigné une province) ; et la langue d'oïl, parlée dans la
partie Nord du pays. Et bien sûr, c'est l'oïl qui est à l'origine du oui.
Ce mot de oui a donc changé un peu. Jadis prononcé en deux syllabes, il
n'en comporte plus qu'une aujourd'hui. Il commence par ce qu'on appelle en
phonétique une semi consonne ou semi voyelle : (w), ce qui explique une
petite inspiration, comme un faux h. On aura donc ni liaison ni élision :
le oui au référendum ; plusieurs oui retentirent ; je vous dis que oui.
(Mais parfois je vous dis qu'oui… ça ne s'écrirait pas, ça peut s'entendre ; ça
dépend comment on est luné)… Et ceci bien que le mot commence par une
lettre voyelle (ne pas confondre phonème et lettre).
Prenons garde de ne pas confondre oui et si, deux adverbes d'affirmation
qui servent à répondre à des questions différentes. Si prend le contre-pied
d'une déclaration négative, ou d'une interrogation négative ;
- Elle n'est pas bonne ma soupe ?
- Si si… .
- Je t'interdis de sortir, tu n'iras pas au bal ce soir !
- Si, j'irai quand même !
Le oui se renforce de mille façons, pour sa part, pour être plus expressif.
Et l'idée n'a rien de moderne évidemment. On a des si-fait, et des oui-da
depuis belle lurette. Mais ces renforcements dont on use parfois
abusivement froissent souvent les beaux esprits qui veulent régenter, non
pas la langue elle-même, mais ceux qui la parlent : ils trouvent ça bas.
Les formulations sont souvent très neutres : c'est exact, en effet,
certainement.
Elles expriment parfois un rien d'agacement, en soulignant que la question
était inutile ou évidente, mais c'est une question de contexte, de ton de
voix, et d'appréciation : évidemment, naturellement, bien sûr…
Certaines montrent uniquement qu'on a compris la consigne, l'ordre, le
conseil, la suggestion : d'accord, OK (plus familier : c'est un
anglicisme). On est là plutôt dans le registre de l'oral, et d'accord
s'abrégeait, dans les années 60 en " d'ac. ".
Deux adverbes qui font sourire, à cause de l'effet de mode qui les a portés :
Complètement, très bien porté, il y a quelques années. Ça se calme
maintenant :
- Tu as aimé ce film ?
- Ah complètement !
Tout à fait :
- Tu viens au cirque avec les enfants ?
- Tout à fait.
Ce qui contredit le sens de départ de la locution : entièrement. Or, on ne peut pas
venir au cirque à moitié. Par contre, à la question : " Tu as fini ton travail ? "
on peut très décemment répondre " tout à fait ", c'est-à-dire je l'ai fini jusqu'au bout.