LES FEMMES QUI ÉCRIVENT...

Par: (pas credité)


La polémique continue de faire rage entre, par exemple, l'Académie
Française et le Gouvernement, à propos de la féminisation des titres et
fonction (plus que pour les métiers proprement dits). On a déjà fait le
point sur les positions respectives. On peut jeter un coup d'œil
rétrospectif sur la façon dont on a nommé les femmes qui écrivaient dans le
passé, d'autant que viennent de se tenir les "Nuits de la Correspondance"
à Grignan. On sait combien Grignan, charmant village provençal, a été
investi par l'écriture féminine, puisque c'est là que vivait la Comtesse de
Grignan, fille de Madame de Sévigné, et que c'est donc là qu'elle recevait,
et lisait à la compagnie, les lettres de sa mère.

Ecrivain/écrivaine. Ce féminin est-il possible ? Il a des équivalents
morphologiques : parrain/marraine, marocain/marocaine, nain/naine, etc. Le
e muet du féminin s'ajoute sans aucun problème. Et ce féminin se voit et
s'entend couramment au Canada francophone. En France, il n'a tout
simplement pas pris. Il a été proposé (notamment par les féministes),
essayé mais pas adopté. Ecriveuse a été imaginé, notamment par Georges
Sand, mais pour se l'appliquer à elle-même, et de façon ironique. Donc
l'embarras subsiste, et l'usage actuel hésite : "G. Sand est un écrivain"
(on ne change rien, en considérant que la fonction n'est pas sexuée. C'est
en tout cas la solution qu'on adopte presque à chaque fois qu'on rajoute un
adjectif : "G. est un grand écrivain"). Ou bien on féminise
l'article, une écrivain.

Le problème est moins crucial pour auteur. Les Québécois ont rajouté un e
muet : une auteure. Autoresse et autrice n'existant pas, on peut en
français parler d'une auteur, sans que la désinence soit trop marquée par
le masculin.

Au 19ème siècle, on parlait beaucoup de femme-écrivain, ou de femme-auteur.
L'usage semble passer, ce qui est compréhensible dans la mesure où ça
souligne le caractère exceptionnel de la chose.

Femme de lettres est neutre, mais n'est pas plus employé qu'homme de
lettres, dont l'usage est assez restreint.

Le 19ème siècle a également été riche en lazzi, tels qu'écrivain en robe, écrivain
en jupon, demoiselle-homme de lettres ou écrivassière, toutes expressions
méprisantes à des degrés divers.

Deux expressions à expliquer : les femmes savantes et les bas-bleus.
Les femmes savantes sont restées à la postérité grâce à Molière, mais
l'expression existait, au 17ème siècle en dehors de la pièce, avec une valeur
proche de l'insulte : c'était le contraire de l'honnête femme.

Les bas-bleus datent du 19ème siècle. L'expression est toujours au masculin
"c'est un bas-bleu", et c'est le calque de l'anglais blue stocking. Madame
Montaguë tenait un salon littéraire qui réunissait surtout des femmes
s'intéressant à la littérature. Mais ce cercle n'était pas exclusivement
féminin, et l'un des habitués, Monsieur Stillingfleet avait, paraît-il,
l'habitude de porter des bas-bleus. On a donc appelé ce club celui des
bas-bleus, avec une intention tout à fait sarcastique.