GARDIENS DE PRISONS
Par: (pas credité)
Le personnel pénitentiaire, ceux qu'on appelle, dans le langage
courant, les gardiens ou gardiens de prison sont appelés de façon plus
officielle des surveillants. Mais le champ est large, du littéraire
archaïque à l'argot contemporain, pour désigner ces piliers mal-aimés de
l'édifice social.
Cachés dans la poussière des ruines, qui se souvient des " ergastulaires ",
athlètes musclés, fouetteurs d'esclaves ? Littéraire encore, mais encore
compris, le " geôlier ", qui garde la geôle, évoque parfois une belle
geôlière (genre Chartreuse de Parme). On est visiblement en plein roman. La
destinée du mot suit d'ailleurs des détours imprévisibles puisqu'il est à
l'origine d'enjôler : emprisonner d'abord, puis abuser par de belles
paroles.
A l'autre bout de la chaîne, on trouve évidemment tous les mots argotiques
pour désigner cette âpre fonction : le bagne est le berceau de l'argot qui,
lui aussi, a son histoire. Ainsi certains argots sont tout à fait vieillis.
" L'argousin ", par exemple, est charmant. Ce mot, à l'itinéraire
linguistique extrêmement complexe, qui prend tour à tour les accents de
Naples, de la Sicile, du portugais et du catalan, s'est d'abord spécialisé
dans le monde des galères, avant de désigner un honnête gardien de prison,
mais parfois aussi un mouchard, puis un agent de police.
Le " gaffe " est un argot devenu littéraire parce qu'il évoque le
romantique Jean Genet (même origine que l'expression argotique " faire
gaffe " : faire attention ; le gaffe est celui qui a l'œil).
Le " maton ", encore tout à fait actuel, et dont l'usage argotique est
sorti du monde des prisons pour être compris du plus grand nombre, est
construit sur une image un peu similaire : mater, c'est regarder et en
particulier, regarder sans être vu, comme on peut le faire par le judas
d'une porte de cellule.
Le " garde-chiourme ", qui date sous cette forme du début XIXème, a une
longue, belle et tragique histoire qui remonte également aux galères. La
chiourme remonte au génois " ciusma " et au bas-latin " celeusma ", mots
qui désignent le chant cadencé qui rythme l'effort des rameurs. Par
extension, la chiourme est devenue l'équipage lui-même, et le
garde-chiourme, celui qui surveille les galériens, puis le gardien de
prison, et même aujourd'hui, de façon péjorative, n'importe quelle personne
brutale et bornée qui surveille une collectivité.