VIOLON D'INGRES - HOBBY - MAROTTE - PASSE-TEMPS DERIVATIF.

Par: (pas credité)


"A mes moments perdus, je fais des aquarelles, je vais faire une petite
exposition de mes œuvres chez moi". L'aquarelle, c'est mon "violon d'Ingres".
Violon d'Ingres : exactement le violon de monsieur Ingres, le peintre
fameux de la bourgeoisie du XIXème siècle. Mais Ingres ne faisait pas que
peindre, quand son art lui laissait un peu de temps, il s'adonnait à la
musique et en l'occurrence au violon. Musicien amateur, Ingres était un
artiste connu et l'expression "Violon d'Ingres" s'est vite propagée. Elle
a d'abord désigné cette activité seconde d'un artiste qui pratiquait un art
qui n'était pas le sien : "le violon d'Ingres de Zola ; la photographie".
Par extension, la formule a désigné toute activité secondaire, à
connotation artistique choisie par goût.
Une expression providentielle car elle occupe une place qui avait été
laissée vide dans le langage, comme le disait avec beaucoup d'esprit Jean
Cocteau : "C'est en jouant médiocrement du violon qu'Ingres nous a donné
une formule si commode qu'on se demande de quelle autre on se servait
auparavant".

On peut utiliser le mot "hobby" qui, malgré ses consonances
anglo-saxonnes qui ont l'air plus modernes, apparaît comme la formule
"violon d'Ingres" au XIXème siècle : "Paul a un hobby : le week-end il
fait du modélisme : il s'amuse à fabriquer et à faire voler des modèles
réduits d'avions".
"Hobby" : origine amusante. C'est un mot anglais qui apparaît en anglais
dans la formule "hobby horse" qui désigne un petit cheval de bois, un
cheval à bascule qui fait la joie des enfants. Par extension, le mot est
passé de l'idée d'activité ludique que l'on fait pour se distraire.
L'expression passe, dans ce sens, en français au XIXème siècle, mais elle
est un peu trop longue et trop compliquée, aussi sera-t-elle raccourci en
hobby.

On retrouve néanmoins le sens premier de la formule dans une expression
française qui en est sa traduction familière : le mot "dada" : "Moi, mon
dada, c'est la broderie. Dès que j'ai une minute libre, je brode !"
"Dada" est donc un mot familier, c'est en fait une onomatopée qui
désigne, dans le langage enfantin, un cheval. Il a une autre nuance que
hobby puisqu'il suggère aussi l'idée de "manie". Le dada peut devenir une
obsession, on ne pense plus qu'à ça, ce n'est plus simplement un
"passe-temps" qui occupe ses loisirs mais une véritable passion, et une
passion envahissante.

C'est presque un peu pathologique, ce dada qui devient une manie.
D'ailleurs, un autre mot français suggère assez bien cette proximité du
dada et d'un petit grain de folie, le mot "marotte". "Ma cousine a une
marotte : elle fait des sculptures avec des capsules de bouteilles, tous
ses week-ends y passent !".
La marotte a toujours un petit côté incongru, extravagant, que le "violon
d'Ingres" n'a pas. Et pour cause, puisque, à l'origine, le mot désigne
cette sorte de sceptre surmonté d'une tête coiffée d'un capuchon bigarré et
garni de grelots que tenait en sa main le fou du roi. C'est un des
attributs de la folie. Mais, comme disait justement Flaubert
"la vie n'est tolérable qu'avec une
marotte !".