PORTRAIT
Par: (pas credité)
Le portrait français sous le règne de Louis XIV, tel est le titre d'une
exposition qui se tient actuellement au musée des Augustins à Toulouse. Et
elle est sous-titrée "Visages du Grand Siècle". Un portrait est, en effet, bien
souvent un visage, mais attention, un visage peint. L'étymologie du mot est
à cet égard éclairant : le mot, au départ, est le participe passé de l'ancien
verbe portraire ou pourtraire, formé sur traire, à l'aide du préfixe
intensif pour.
Et traire, en ancien français, c'est tirer, (comme encore
aujourd'hui : traire une vache, c'est la "tirer", ou tout au moins, tirer
sur ses pis pour faire venir le lait), mais c'est aussi dessiner. Comme en
anglais où le verbe "to draw" a ces deux mêmes sens. Le portrait, c'est
donc ce qui a été pourtrait, c'est-à-dire dessiné, ou plus généralement
peint : le mot est devenu un terme pictural.
Le portrait est donc la représentation de quelqu'un, ses traits, son
aspect. Ce qui explique quelques emplois familiers, où portrait équivaut à
tête : une galerie de portraits (on est ironique, et en général, on fait
allusion à une brochette de vieux grigous). Ou même "je vais t'abîmer,
t'arranger le portrait" : démolir le visage.
L'important est à la fois la ressemblance, et, souvent une certaine visée
esthétique. Visée esthétique dont on se rend compte dans certains emplois
figurés, comme par exemple en photo : un portrait est plus soigné qu'un
instantané, ou un "photomaton".
Mais c'est surtout cette idée de ressemblance qui prime, et explique la
plupart des sens dérivés, et expressions toutes faites : un portrait-robot
par exemple - dessin signalétique, établi par la police, de quelqu'un qu'on
recherche, dont on ne connaît pas l'identité, et dont on essaie de se faire
l'idée la plus précise possible en recoupant tous les témoignages dont on
dispose. On invente ainsi un portrait supposé de celui qu'on piste.
Ce sens de ressemblance préside directement à d'autres emplois. Pour
souligner par exemple une grande similitude : "c'est tout le portrait de
son père" ou même "c'est le portrait tout craché de son père". Pourquoi
tout craché ? Difficile à dire, même si les linguistes s'accordent sur
l'équivalence symbolique du craché et du parlé (cf. juré, craché), mais
aussi sur le sens symbolique du "craché", qui évoque la semence et la
génération.
Le portrait déserte ainsi la sphère picturale pour aborder à des rives plus
figurées : faire le portrait, c'est décrire - à l'écrit ou à l'oral. "Je
lui ai fait un portrait peu flatteur de sa belle-mère". Quant au contenu
décrit, il prend aussi une grande liberté par rapport à l'humain :
"Portrait de la France en 1998", etc.