MIEUX

Par: (pas credité)


"Moins d'école, mieux d'école". C'est le titre d'une tribune libre
publiée cette semaine dans la presse française, et qui reprend une formule
qui eut naguère son heure de gloire : "moins d'Etat, mieux d'Etat". Cette
symétrique entre "moins" et "mieux" n'est évidemment pas correcte au
regard de la grammaire, mais elle est expressive, crée un effet, et attire
l'attention. "Moins" devient un indicateur de quantité, et "mieux" de qualité.
Le mot était mûr pour ce genre de détournement, ayant déjà été largement
mis à contribution avec le mieux-disant, notamment le mieux disant-culturel
(utilisé dans le cadre de la privatisation d'une chaîne publique de
télévision), qui reprenait lui-même un jargon commercial où le
mieux-disant est celui qui propose le meilleur prix. Ceci dit, "mieux" a déjà
été mis en parallèle avec "plus", dans des expressions tout à fait correctes,
mais où, bizarrement, "plus" et "mieux" ont à peu près la même fonction : l'un
ne renchérit pas sur l'autre : "qui plus est" et "qui mieux est" signifiant
la même chose, même si le second est plus rare et plus littéraire.

Le point sur ce mot est encore "mieux" : c'est un adverbe, comparatif de bien :
"s'amuser, c'est bien" ; "s'instruire, c'est mieux", comme disait Maurice
Maeterlinck. Il s'emploie comme adverbe, mais aussi comme adjectif (cette
chemise est mieux que l'autre), ou même comme nom (le mieux persiste).
Quelques sens particuliers : "être au mieux avec quelqu'un" signifie "très
bien s'entendre". C'est une formule assez contournée, facilement ironique
qu'on utilise notamment en politique (Hue et Cohn-Bendit sont au mieux),
mais ce n'est peut-être qu'une apparence. C'est souvent aussi un euphémisme
ironique pour dire de deux personnes qu'elles sont amantes : "Fernande est au
mieux avec Jeannot", variante d'une autre formule ironique : "Fernande est du
dernier bien avec Jeannot".

"Faire au mieux", "faire pour le mieux", "faire de son mieux" sont aussi des
expressions toutes faites, faciles à comprendre, et souvent utilisées dans
un contexte un peu restrictif : "j'ai fait ce que je pouvais ; compte
tenu de la situation". "Il a fait de son mieux" veut souvent
dire "malgré ses efforts, il n'est pas parvenu à tout réussir".
Une expression sur laquelle on répète souvent qu'il ne faut pas se tromper
est "il vaut mieux", à ne pas remplacer par "il faut mieux". Cette faute, type
même de la faute populaire, semble un peu datée, comme un français du
milieu du siècle.

En revanche, l'inversion -"mieux vaut" au lieu de "il vaut mieux" - est
toujours en usage, toujours recherchée, et fait un peu formule, souvenir de
proverbe : "mieux vaut tenir que courir", "mieux vaut courir que tomber", etc.
Si on a le temps, on fera un sort aux locutions "à qui mieux mieux" et "tant
mieux".