CADEAU, DON, PRESENT

Par: (pas credité)


Bientôt Noël ? Tout de suite des cadeaux. Avec un arrêt perplexe sur ce mot
dont l'évolution sémantique a été inattendue et sinueuse. "Cadeau" vient du
provençal "cabdel", de la même famille que le latin "caput" = "tête", puis chef,
etc. Et "cabdel" a d'abord signifié lettre capitale, majuscule. Dans les
manuscrits, en effet, les capitales étaient souvent décorées d'ornements à
la plume, parfois d'ailleurs de têtes de personnages. Pour toutes ces
raisons, on parlait de lettres cadelées, puis de cadeaux. Le sens du mot a
évolué, pour désigner des fioritures, tous les "en-plus" dont les maîtres
de calligraphie ornaient les exemples qu'ils donnaient à leurs élèves. De
là, on est passé au sens de paroles superflues mais mielleuses, qui
enjolivaient le discours et tournaient la tête de l'auditeur. Au XVIIe siècle,
le sens change encore, et le cadeau devient un artifice de
séduction pour gens aisés : c'est une partie de plaisir offert à des dames,
avec repas somptueux et accompagnement musical (Cf. le moderne "et mon petit
cadeau ?"). On attendra enfin la fin du XVIIIème pour trouver le sens moderne.

Aujourd'hui, le mot est simple et fréquent, et il a même entraîné quelques
expressions toutes faites dans son sillage :
"Ils ne se font pas de cadeaux", dans le cadre d'un affrontement, d'une
rivalité dure. C'est un peu synonyme de "tous les coups sont permis".
"Ginette, c'est pas un cadeau" : elle est difficile à supporter.
"C'est cadeau": familier et faussement enfantin pour dire c'est gratuit.

La question qu'on se pose donc est simple : pendant toutes ces années,
comment faisait-on pour parler de ce qu'on offrait à quelqu'un ? Deux mots
principaux : "don" et "présent", avec, en gros, deux sens différents : le "présent"
est l'objet offert, et le "don" est plutôt le geste d'offrir.

"Présent" est aujourd'hui extrêmement littéraire et vieilli. Il évoque un
cadeau de prix offert de façon formelle (Rois Mages, etc.). On a, plus
fréquente, l'expression "faire présent" = "donner".

"Don" est également assez rare, avec souvent un sens juridique (mais
attention, on a aussi "dation" et "donation") ou plutôt officiel. Dans un
musée, par exemple: "don" de l'artiste.

Mais le mot a un autre sens quand il évoque une qualité, une disposition
naturelle, et qu'il renvoie alors non pas à donner mais à être doué (mais
les deux verbes sont au départ de la même famille): "don" du ciel, "don" des
langues…

Quant à "offrande", c'est un dernier synonyme dont le sens est clairement
symbolique et religieux.